dimanche 22 décembre 2013

Identité narrative

Pour avancer encore un peu...



doc    "Retours au récit » : Paul Ricœur et la théorie littéraire contemporaine
CNRS – Université Paris Sorbonne)
Alexandre Gefen (Centre d’étude de la langue et de la littérature française)   via "FABULA"(site
très riche de pistes de réflexion sur la littérature !!!)

"La critique littéraire du début du xxie siècle est caractérisée par ce que l’on pourrait nommer un tournant éthique. Le point d’appui central de cette revalorisation des pouvoirs moraux de la littérature, c’est le concept ricœurien d’« identité narrative » et l’idée, éminemment débattue, que la continuité du soi et la responsabilité du sujet ne peuvent être assurées que par des narrations.
 (Ainsi) la théorie de l’identité narrative fait du récit (*)un dispositif cognitif puissamment opératoire, puisque la « mise en intrigue » serait ce par quoi nous pourrions mieux " maîtriser" les discordances  empiriques et psychologiques du monde.
Qui plus est, la fiction narrative, parce qu’elle "entraîne" notre capacité mentale de refiguration, mais aussi parce qu’elle déploie un jeu complexe de variations imaginatives enrichissant et diversifiant notre rapport au temps, suggère Paul Ricœur, possède une souplesse et une finesse de saisie du particulier dont le récit historique rigide est dépourvu. Jouant un rôle essentiel dans les opérations d’ajustement que nous menons constamment entre notre univers mental et la réalité, la littérature serait « révélante et transformante  (Paul Ricœur, Temps et récit 3, p. 229 )», elle nous permettrait de réduire par des « expériences de pensée » la distance entre des paradigmes généraux et des enjeux locaux, voire à prendre conscience de l’altérité d’autrui, par simulation intellectuelle et empathie affective3.
(*) "non un espace formel autorégulé ou un moment d’un projet rhétorique, mais" ...

C’est à ce titre que la philosophie de l’auteur de Soi-même comme un autre se trouve revendiquée par les esthétiques contemporaines faisant « retour au récit » : autant, notons-le, par les écrivains enjoignant la littérature contemporaine à quitter l’impasse formaliste et à revenir dans la sphère de l’action que par certains critiques littéraires . Pour ces derniers, le bénéfice disciplinaire est considérable : faire de la théorie du récit et, plus largement, de la théorie du texte,  une charnière centrale entre la théorie de l’action et la théorie éthique(*), c’est-à-dire l’effet psychologique et social du texte , en prenant en compte à la fois le récit littéraire et le récit historique dans une narratologie étendue  et en supposant " que l’action humaine peut se lire comme un texte " ... Ce qui conduit à une formidable revalorisation de notre travail de linguistes, d’historiens, de stylisticiens, de narratologues."


Ainsi, de quoi gamberger...  Bv))




(...) "Sans le secours de la narration, le problème de l’identité personnelle est en effet voué à une antinomie sans solution : ou bien l’on pose un sujet identique à lui-même dans la diversité de ses états, ou bien l’on tient, à la suite de Hume et de Nietzsche, que ce sujet identique n’est qu’une illusion substantialiste […] Le dilemme disparaît si, à l’identité comprise au sens d’un même (idem), on substitue l’identité comprise au sens d’un soi-même (ipse) ; la différence entre idem et ipse n’est autre que la différence entre une identité substantielle ou formelle et l’identité narrative. […]
À la différence de l’identité abstraite du Même, l’identité narrative, constitutive de l’ipséité, peut inclure le changement, la mutabilité, dans la cohésion d’une vie.
Le sujet apparaît alors constitué à la fois comme lecteur et comme scripteur de sa propre vie selon le vœu de Proust. Comme l’analyse littéraire de l’autobiographie le vérifie, l’histoire d’une vie ne cesse d’être refigurée par toutes les histoires véridiques ou fictives qu’un sujet se raconte sur lui-même. Cette refiguration fait de la vie elle-même un tissu d’histoires racontées. […] L’identité narrative n’est pas une identité stable et sans faille ; de même qu’il est possible de composer plusieurs intrigues au sujet des mêmes incidents […] de même il est toujours possible de tramer sur sa propre vie des intrigues différentes, voire opposées. […] En ce sens, l’identité narrative ne cesse de se faire et de se défaire."   (  Paul Ricoeur, "Soi comme un autre, Pts-Seuil )"

>>>>>>      L’histoire façonne l’identité :
"De même qu’en littérature c’est l’intrigue qui détermine les péripéties du roman, c’est l’histoire de vie, le thème, qui façonne l’identité des gens et non l’identité qui façonnerait l’histoire. La croyance populaire voudrait que nous ayons une réalité intérieure – voire une vérité intérieure – qui serait délivrée à l’extérieur. En fait, c’est le discours que nous émettons qui fabrique la cohérence de notre histoire, et par là-même notre identité. Michael White avait coutume de dire : "A mon idée, c’est l’histoire de la vie des gens qui façonne leur vie. Ils fabriquent leur vie en conformité avec leur histoire".

La position du narrateur d’une vie en train de se vivre est réflexive, c’est-à-dire qu’il est à la fois auteur (scripteur, pour reprendre le terme de Paul Ricoeur) et lecteur (observateur constructeur du sens)....


mardi 29 octobre 2013

Sans cesse sur le métier...


 J'y reviens, reprécise, tente de clarifier ces notions à mon sens "vitales", puisqu'elles permettent de saisir comment les récits ( certains plus que d' autres, prochains chantiers....) nous aident à vivre, au moins ns aident à éclairer le déroulement de notre/s vie/s...
Avec l'aide ici d'un site québequois qui tente de montrer l'apport de la réflexion de Ricoeur aussi ds l'élaboration d'une identité sociale et culturelle, affaire à suivre pour nous, Wallons...

 Conceptualisation de l’identité narrative par Paul Ricœur
Approche théorique et méthodologique de l’identité

"L’identité narrative" selon Paul Ricoeur – conceptualisée comme un outil de création de sens (Brunner, 1991, p. 6) – est l’identité personnelle qui est construite dans un « narratif du soi » (...) élaboré par la " personne"/ l'auteur.
C’est un processus, la mise-en-intrigue , appelée muthos par Aristote (Taïeb et al., 2005, p. 757) et que Paul Ricoeur décrit comme la composition verbale qui constitue un texte en récit, qui permet de réaliser cette démarche narrative. Chez Aristote, le muthos est une pratique (praxis), il s’agit de « l’assemblage […] des actions accomplies » (Ricoeur, 1986, p. 15). Il ne s’agit donc pas d’une structure, mais  (Ibid., p. 16).

Pour Paul Ricoeur, non seulement la mise-en-intrigue permet de donner du sens aux événements vécus, mais elle permet également d’appréhender le réel et de construire la réalité, grâce à l’acte d’interprétation que constitue la spirale herméneutique.
Afin de la conceptualiser, Paul Ricœur emprunte à Aristote le concept de mimésis, qui signifie une représentation créative de la réalité humaine (Piovano, 1986, p.282), mais aussi d’action, de vie (Ricœur, 1990, p. 186).
Paul Ricœur sépare la mimésis en trois moments distincts, ou trois étapes de l’acte d’interprétation:
- le premier moment, la mimésis I, ou (pré)figuration, correspond à la structure prénarrative de l’expérience humaine. Il s’agit de l’expérience vécue en tant que telle, que nous avons tendance à comprendre en tout premier lieu comme une « histoire non racontée » (Taïeb et al., 2005, p. 758).
- Ce moment est suivi par la mimésis II, ou configuration, c’est-à-dire la mise-en-intrigue proprement dite. Pour Paul Ricœur, celle-ci procure un caractère intelligible, qui permet de donner du sens aux événements vécus : « l’intrigue est l’ensemble des combinaisons par lesquelles des événements sont transformés en histoire ou – corrélativement – une histoire est tirée d’événements. L’intrigue est le médiateur entre l’événement et l’histoire » (Ricœur, 1986, p. 16). L’acte de configuration crée une distance entre l’auteur et son texte, de telle sorte qu’il peut le regarder comme un objet antérieur et extérieur à lui-même.
- La mimésis III est l’acte de refiguration, le moment où la narration permet non seulement de comprendre le vécu, mais aussi de construire le réel. Cela se fait grâce à la lecture active du texte, lorsque le texte est approprié par un lecteur, que ce dernier en soit l’auteur ou non, c’est-à-dire utilisé pour comprendre son propre vécu.
Ce lecteur détermine donc ce que veut dire ce texte pour lui. Il y a création de sens, ainsi que refiguration du réel, alors que ces nouvelles façons de comprendre le monde pour soi,  pourront ensuite être utilisées dans une autre préfiguration de l’expérience vécue (mimésis I).

La boucle est ainsi bouclée, la spirale est complète. Un acte d’interprétation en trois moments  permet aux individus de « refigurer » le réel en s’appropriant un texte qui, par sa création même, a permis de créer une distanciation productive qui permet à l’individu de porter un regard réflexif sur les événements de sa propre vie (!!!) (Ouf!!!).

Est ainsi créée l’identité narrative, l’identité qui doit passer par le récit de soi, vécu, écrit et lu (Ricœur, 1990, p. 193).
Ce processus de configuration et d’interprétation des narratifs met ainsi en jeu une dialectique de distanciation et d’appropriation, qui permet aux individus de créer du sens à partir d’une réalité vécue et de "savoir" ensuite comment agir dans les situations complexes de la société.
Des possibilités d’être sont déployées par le « monde du texte » (Ricœur, 1986, p. 111), issu de la distanciation créée par la configuration et objet de l’appropriation en vue de la refiguration du réel.
La création de l’identité narrative a donc une dimension pragmatique, elle est orientée vers l’action, vers le "vivre ensemble" ( pas slt) que constitue la société.


Ces concepts valent aussi ss doute pour le travail de l'historien : mise en intrigue des "faits épars" que livre le passé... faits "relus/refigurés" au temps présent!!!

To' ratt!!





dimanche 27 octobre 2013

Remettons-en une couche...

doc   2 : l'Identité Narrative
Suite de l'article d www.mediat-coaching.com  connexions@pratiquesnarratives.com



(...) "Sans le secours de la narration, le problème de l’identité personnelle est en effet voué à une antinomie sans solution : ou bien l’on pose un sujet identique à lui-même dans la diversité de ses états, ou bien l’on tient, à la suite de Hume et de Nietzsche, que ce sujet identique n’est qu’une illusion substantialiste […] Le dilemme disparaît si, à l’identité comprise au sens d’un même (idem), on substitue l’identité comprise au sens d’un soi-même (ipse) ; la différence entre idem et ipse n’est autre que la différence entre une identité substantielle ou formelle et l’identité narrative. […]
À la différence de l’identité abstraite du Même, l’identité narrative, constitutive de l’ipséité, peut inclure le changement, la mutabilité, dans la cohésion d’une vie. 

Le sujet apparaît alors constitué à la fois comme lecteur et comme scripteur de sa propre vie selon le vœu de Proust. Comme l’analyse littéraire de l’autobiographie le vérifie, l’histoire d’une vie ne cesse d’être refigurée par toutes les histoires véridiques ou fictives qu’un sujet se raconte sur lui-même. Cette refiguration fait de la vie elle-même un tissu d’histoires racontées. […] L’identité narrative n’est pas une identité stable et sans faille ; de même qu’il est possible de composer plusieurs intrigues au sujet des mêmes incidents […] de même il est toujours possible de tramer sur sa propre vie des intrigues différentes, voire opposées. […] En ce sens, l’identité narrative ne cesse de se faire et de se défaire."    Paul Ricoeur, "Soi..."

>>>>>>      L’histoire façonne l’identité :
"De même qu’en littérature c’est l’intrigue qui détermine les péripéties du roman, c’est l’histoire de vie, le thème, qui façonne l’identité des gens et non l’identité qui façonnerait l’histoire. La croyance populaire voudrait que nous ayons une réalité intérieure – voire une vérité intérieure – qui serait délivrée à l’extérieur. En fait, c’est le discours que nous émettons qui fabrique la cohérence de notre histoire, et par là-même notre identité. Michael White avait coutume de dire : "A mon idée, c’est l’histoire de la vie des gens qui façonne leur vie. Ils fabriquent leur vie en conformité avec leur histoire".

La position du narrateur d’une vie en train de se vivre est réflexive, c’est-à-dire qu’il est à la fois auteur (scripteur, pour reprendre le terme de Paul Ricoeur) et lecteur (observateur constructeur du sens). Le narrateur, devenu dramaturge, crée son identité en « s’engageant dans une mise en scène de sens sous la conduite du texte ». (5)

Isabelle Laplante,   pratiquesnarratives.com

To' ratt!!

samedi 26 octobre 2013

Soi/s


(Trop) vite, quelques phrases sur la prolifération quasi épidémique des jugements à l'emporte-pièces, bien typiques de l' a-pensée "Twitter", qui tend vers la "cul-dur" du sniper : au plus brut/ brutal, "roms-gros sourcils", et va chier avec les concepts de complexité, de nuance, d'ambiguïté, de "pas si simple"... Tant qu' à dézinguer, allons-y à la sulfateuse...
Ah, cette néo-passion pour "Les tontons flingueurs": culte du mot d'auteur, moins bon que misanthrope, et caricature des stéréotypes  ( une des forces d'Audiard!!), comprise (?) auj' comme "modèle" de comportement... C'est si bon qd ça fait mal aux autres... Vannes à tout va et Baffie président
J'en reviens donc à Ricoeur...
Résumé des épisodes précédents: coiffé de sa poubelle, pépé Popaul a déjà ramené l'intrigue ds la théorie du récit ( en démontrant, par la multiplication de la Mimésis, l'importance non slt de la mise en écriture et son cortège de tropes (en stock) mais aussi du déploiement des actions sur une flèche narrative  : l'intrigue, elle-même construite, constituant not. "le monde du texte"...);
dans sa foulée de marathonien Hermès-nautique, il rappelle aux historiens "post-modernes" tout le bien que la réintégration du récit peut faire , non à la critique historique, mais à "la mise en discours" des résultats de cette critique, soit la dynamique du récit au service de la mise en perspective des faits, épars et partiels, auxquels l'historien se confronte... Une démarche philo fort proche de celle d'un Guinzburg, qui s'attache à montrer comment de multiples récits perçus comme "peu intéressants car populaires" permettent de comprendre/ interpréter des traces,  juridiques jusque là incompréhensibles, lors des procès de l'Inquisition not. ( voir Les batailles nocturnes, Champs Flammarion, sur les procès des "Benedetti" au XVIe..);
Le 3e apport à la "Théo rit du récy" , c est la remise en activité de la notion de "caractère" en parallèle à une réflexion sur la notion d'identité...
Ricoeur démontre avec astuce comment la notion de caractère reprend, ds la sociologie du quotidien, la somme des habitudes constitutives du comportement " attendu" d' une personne, permettant de la reconnaître comme de lui renvoyer des attitudes " peu orthodoxes", perçues comme "anormales" et typiques d'un soi "hors de lui" ( Soi comme un autre, Point-Seuil, 1990)...
Mais loin de vouloir enfermer chacun ds " son caractère", Ricoeur insiste sur la dimension historique de la constitution de ce caractère, à travers la mise en place/ sélection de ces habitudes, perçues comme des "réponses adaptées" (commodes?) à des situations de vie, parfois à la limite du vivable (in)justement...
Ainsi, Ricoeur affirme que le caractère a une histoire, et que la saisir, c' est percevoir quelque chose de l'identité narrative ( Op cit, p 147), aussi constitutive de "Soi" que l'identité "personnelle", reconnaissance de toutes ces similitudes qui ns confortent bien ds le sentiment d'avoir tjrs affaire à la MEME personne ("personna": le masque...)...
 Or-donc, toute la force du raisonnement est de montrer, sur ces acquis, comment la littérature, romanesque surtout, réaffirme cette dimension historique ( et sociale!) de la constitution de l'identité, au moins des personnages principaux; on peut dés lors réinvestir la notion de "caractère" ds l' interprétation des récits : " (...) ce que la [vie quotidienne] a contracté, le récit peut le redéployer" (Op cit, p 148)...Et permettre au lecteur de reprendre conscience de la dimension complexe de son SOI/ MOI/ JE ( biffer les mentions...);
Ce qui, ds la twittérisation généralisée, peut s' avérer salutaire...

To' ratt!




samedi 6 juillet 2013

Qu'est-ce que l'art, hein donc...

 Ou plutôt que peut l'art ( ce qui devrait aider à définir "ce que c' EST")...


Si l'on considère les affects not. comme des réponses "immédiates" à des sollicitations "fortes" émises par le "mondréel"...
Si l'on considère les concepts not. comme des "mises en formes réflexives" ( permises par un décalage temporel utile voire néc.), essent.  discursives et abstraites ( synthétisant des "observations" diverses en e/t, mais similaires en "substance" ( à préciser...),
Alors, "on" se dit qu'il est bien utile d'introduire une notion intermédiaire : le percept ( Deleuze,...) ...
Soit la mise en oeuvre d"affects divers ds un "avant/après", ds des séquences discursives qui  permettent la REPRESENTATION de ces affects à travers des "figures" identifiables, les personnages, évoluant dans des contextes concrétisés:  lieux; époques,... eux aussi "reconnaissables" (*)...
Soit  la "mise en intrigue" ( Ricoeur) de ces éléments dans des séquences d"actions qui permettent au lecteur de s'intéresser/ s'interroger sur les "raisons d'être/ d'agir" de ces figures, de mieux les comprendre, de chercher les éléments d'explication diffusés au fil du récit... Au lecteur encore d'établir des interactions, de chercher des axes de cohérence ( en se référant à des croyances sociales dont il est porteur, à d'autres récits "connus" - intertxt- etc,...)...
Et là, peut-être,  par l'intermédiaire des ces "productions esthétiques/ artistiques", l'accès à une forme de connaissance du monde "non connu", et à une certaine forme de pensée "vive", ouvrant sur de la conceptualisation à part quasi entière ?


Le récit, la peinture, la musique... passeurs de pensée??



(*)... Par rapport à ce qu'on CROIT (re) connaître, hélas! >>> Bonjour les lieux communs, préjugés, stéréotypes,... >>> de l'importance de la multiplicité des expériences esthét/ artistiques...

To' ratt!

lundi 17 juin 2013

Récit et connaissance

Je voudrais faire le point sur ( à ma connaissance) les approches théoriques qui permettent d'établir certaines intersections entre " le monde du texte " (Ricoeur) et l'espace des connaissances concernant le "monde réel"... Bref, gamberger sur la dimension référentielle ( svt déniée, à mon sens à tort!) de tout récit, au delà des aspects narratifs "diégétiques" ( largement étudiés!!), de l'arrière-plan intertextuel ( là aussi, top critique),...
L' hypothèse de travail est de considérer que tout txt , y compris fictionnel et poétique, a "à voir" avec le monde réel, au moins autant qu'un "essai", lui aussi production discursive, soumis à des "états diégétiques, à des "connivences intertextuelles" ,... plutôt "mal étudiées" ds ce cas...

En clair un roman de Mankell, de Manchette, m'en dit peut-être autant , à travers des contraintes fictionnelles, sur un certain état de la criminalité, en un temps X-espace Y, que des "essais historiques" sur " le banditisme en Ardenne au temps d'Otton le Cornu", que  "Les Mémoires du Commissaire Lamatraque", ou des essais " sociologiques sur " la délinquance des 15 ans dans la banlieue de Rouen : le gang dit 'des trottinettes' "...

J'y reviendrai, petit à petit,...
To' ratt' !

dimanche 26 mai 2013

Le Singe dans la Machine (1)



Souvent nous suspendons notre capacité de réflexion  ( expliquer/ comprendre,...), notre  faculté de "juger" ( interpréter ) les "tenants et aboutissants", les "enjeux réels", les finalités et conséquences de nos actes, à moyen ou à long terme.
Chaque fois que nous suspendons cet "effort intellectuel",  le singe   ( peu importe l' espèce : chimpanzé, gorille, bonobo ou mortico,...), magma de désirs frustrés, d'inconscient mal lavé, d'instincts "en roue libre"  et de représentations "Voici"/" Détective" archétypales (Jung), le Singe donc reprend le dessus...
Ce singe a donc pris le dessus ds une crèche des Flandres, à Boston, Place St Lambert à Liège, à Londres vers le 20 mai, en Syrie, il y a peu, où il exhibait le coeur d'une de ses victimes en proclamant son désir de le dévorer... Ce singe ns est bien connu : c'est l' Amok raconté par S. Zweig, c'est  Kurtz que doit éliminer le narrateur du "Coeur des Ténèbres"...

Mais parfois/souvent, ce singe a une furieuse tendance à se multiplier ds des espaces/temps précis... En horde,  vêtu de l'Aube dorée, il chasse le métèque en Grèce, le journalier en Andalousie, l'arbitre en Division Provinciale de foot, le pd un peu partout, le bègue ou le lusket ds les cours de récré, pour les battre "à mort", la plupart du temps...

Mais  "Le Singe dans la Machine" ne frappe pas toujours  ... Chez les cols blancs, la domination simiesque prend une forme qui "grimace" l'intelligence : l'ironie, le cynisme, la vanne saignante, le désir d'être reconnu comme celui qui peut mettre le plus faible "à terre, bleu!", le hooligan des bureaux et des auditoires, ... Le harceleur au quotidien, c'est lui...

Comment me défendre de laisser le singe "bouffer mon âme"? J' en sais rien... Peut-être en jouant plus de "Soi réflexif" contre la pulsion, en s'arc-boutant à un reste de Morale individuelle face au "C'est plus fort que moi" collectif, en redoutant par-dessus tout d'en être à dire un jour : "Je n'ai pas voulu ça"... "mais aussi "Loup des Steppes" contre "Meute", Scaramouche contre les Hargneux, Pierrot contre les Ricaneurs,...

De quoi remplir une vie , où l' Ecole représente encore et toujours le secteur de lutte prioritaire, où je ne peux que m' entendre dire : "Tu prends les choses trop à coeur"... 


To' ratt...

lundi 20 mai 2013

C'en est ou c'en est pas? S de la/ les litt 2


Si l' on tente de distinguer ce qui serait litt de ce qui n'en serait pas, on peut émettre qques remarques sur le "fonctionnement" de ce "purgatoire" litt que fut lgtps la "paralitt" ( Policier/ polar, SF, fantast/ horeur/ épouvante, rom sent, rom médical, Capes et épées, voire "récits de vie",...)
On peut ainsi voir la "paralitt" comme un champ " de large diffusion" quasi tot structuré par la production intensive d'oeuvres" à forte "circulation commerciale", aussitôt exposées, vendues, retirées-retournées, le "return" sur invest passant par une faible marge bénéf multipliée par un gd nbre de produits à consommation rapide... La contrainte  touchait même lla matérialité de l' édition : publication en feuilletons ds les journaux ( pas tjrs suivie d'éditions-livre, comme en témoignent les "giallo" en Italie); édition "bon marché", à coûts réduits de fabrication ( voir les "pulps"- mauvais papier- aux E U, les "mangas" jetables au Japon)...
Autre caract essentielle : un système de règles formelles figées  ds la "mise en intrigue" ( voir les "règles" de Van Dine pour le policier, ou la "charte" de rédaction de la collection "Harlequin"), avec pour composante fond la répétition des Ps, situations, structures des actions ( voir l'analyse des "Bond" par U. Eco)...
La nature redondante de la paral dérivait e. a. de la tradition orale, attentive à transmettre aux publics de tous types un "jeu" de significations à première vue évidentes ( Bettelheim analyse ce premier niveau de signif ds les contes, en laissant voir aussitôt à quel point les transmissions locales multipliaient les allusions, la satire, voire la parodie des genres nobles, en les "farçant" d'autres traditions, carnav not, comme le montrera Bakhtine...)...
Reste qu'un "genre litt de masse" se distingue par un mode de lecture partic, dt un  paradoxe réside ds le fait que le lecteur souhaite "un peu de neuf ds bcp de même"....             Son "horizon d'attente" est ainsi constitué par de la surprise ds un schéma narratif déjà expérimenté et "reconnu", comme on le dit d'un territoire familier. Ainsi,  la répét se vérifie ds la mise en place d'un nbre limité d'enchaînements narr qui créent chacun un certain "rythme de lecture" (alternance de pt de vue/Ps d'un chap à l'autre, événmts racontés de l'ext puis de l'int,...)...
En ce qui concerne la formulation ("la mise en discours") , on joue à fond la carte de l" illusion référentielle", cad un processus énonciatif qui vise à laisser percevoir les élts romanesques comme "réels, naturels, ss artifice", qui utilise abond les dialogues ( "effet de scène") et le discours direct, et qui veille à faire de tte description un élément narr qui prépare au moins une avancée de l'action...


Assez pour auj., 
To' ratt', F. S.

Sociologie(s) de la/les littérature(s) ? 1

A priori, son objectif est simple à énoncer:  l' étude  des rapports entre l'auteur, son oeuvre et le public qui la lit. Mais on voit tt de suite qu' il faut reformuler cet objectif en objectifS :  LES étudeS  des rapports entre l' "auteur", son "oeuvre" et le(S) public(S)  qui la lit/sent... 
Il ne faut pas avoir fait la Sorbonne pour admettre que la notion d'auteur est bien floue : auteur, donc? Ecrivain? A plusieurs? Sous "influence": comité de lecture ? Politique de l'éditeur ? Effets de la "Collection"? Effets des "oeuvres lues" - intertexte intériorisé ? Gestion des diverses "commandes" en cours ? Représentation du "lecteur présupposé" ? Concurrence avec d'autres "auteurs" ?  Effets " second métier" ( svt le principal ) ? Et tout ça......
De même, les notions d' oeuvres sont, elles aussi, largement discutées, même si chaque chapelain ne jure que par/pour sa paroisse...
Idem pour la notion de "lecteur/lecture", du décodeur à l'exégète, en passant par le critique "pro'", le prof, l' élève... le/ la ( de + en + disent les "sondages")  romanophage ou le lecteur du bus ( j'en suis)....
On y reviendra...
To' rat' !!


mercredi 8 mai 2013

Extension du domaine de la critique (1)

 Nous ne couperons pas à une réelle extension des démarches d'analyse, au moins de réflexion, suite aux changements "culturels"/cognitifs (y compris ds le domaine "naïf" des "loisirs") produits par la multiplication des textes numériques (sms, tweets, docs "facebook", blogs, docs sur "youtube", nouveaux supports d'infos type "Médiapart"...)...

Ces changements ( et donc ces nécessaires analyses et réflexions!!) concernent les supports mais aussi les textes eux-mêmes, ds leur production, leur "forme textuelle" ( que deviennent les "genres litt.? Les "types de textes"??) , leur diffusion, leur lecture, leur rapport au "monde réel"...

 Pour mesurer un peu l'ampleur de l'affaire, voici un doc de J C Noyer ( et c'est dur comme une coquille de noix...)
Y a du pain sur la planche à gamberge...


"(...) Nous voudrions  attirer l'attention sur un certain nombre de problèmes qui nous paraissent cruciaux pour le continent "Histoire" (...)

Parmi ces problèmes une partie a trait à l'utilisation des nouvelles technologies elles-mêmes, à la compréhension voire la maîtrise du mouvement de création des outils qui se développent çà et là (...)
 Comment s'approprier ses outils, susciter leur développement, participer à leur création?

Des langages de programmation aux méthodes d'analyse des données numérisées en passant par l'exploitation des nouveaux modes de visualisation / modélisation voire des espaces virtuels, ainsi que par la création de bases de données "ad hoc" ; la liste est longue des axes de recherches et des logiques d'appropriation de ces outils, de ces techné intellectuelles. L'analyse du procès de travail intellectuel sous ses diverses formes est donc en train de se faire. Au passage une anthropologie historique de ces technologies est à développer d'urgence.

Une autre part touche aux diverses manières dont les Agencements Collectifs d'Énonciation [1] qui écrivent et réécrivent "Les Histoires" (et ce, quels que soient leurs procédures de légitimation, les instances d'appel qui les fondent, les hiérarchisent, les crédibilisent) sont conduits à penser le mouvement d'altération / création des concepts fondateurs, des mythologies et des croyances liées au désir qu'il y ait quelque chose comme de "L'Histoire", au fait que l'on raconte quoi qu'il arrive des "Histoires" ( ça, c'est bibi qui surligne!)  ; et ce, dans le contexte du déploiement des réseaux de communications, de la numérisation des signes, des données, de l'apparition de nouveaux types de dispositifs cognitifs, de nouveaux modes de représentations des savoirs, d'écritures.                

Qu'en est-il des temps de l'Histoire et de l'histoire du Temps à l'heure de la révolution numérique?

Qu'en est-il de l'événementialité
de l'événement aujourd'hui sous des conditions anthropologiques bouleversées, sous les contraintes imposées du temps réel, de sa vaine prétention à vouloir conjurer les puissances infinies d'altérité du Temps ? 

Comment l'Histoire est-elle en mesure de prendre en compte ces nouvelles médiations d'ordre anthropologiques technétroniques / numériques, constitutives des multiples "conduites et allures du temps"  ? 
Comment aller au-delà du bouleversement introduit par les appareils techno-télé-médiatiques, par les nouveaux rythmes de l'information et de la communication, par les nouveaux rapports de vitesse et de lenteur, et donc par conséquent, par les nouveaux modes d'appropriation qu'ils engendrent, par la nouvelle structure de l'événement, sa "spectralité",   qu'ils dégagent  ?
               

Comment la Narration est-elle affectée?
Comment l'invention de l'Histoire est-elle impliquée, convoquée dans le processus sans fin de réécriture et de décryptage des hiéroglyphes sociaux et des sémiogryphes anthropologiques ... ? [4]

Il n'est en effet de récits, d'intrigues qui ne soient fondés
- sur des modes d'écritures,
- sur des dispositifs de transmission,
- sur des dispositifs de propagation, de traduction spécifiques.

Allons plus loin. Il n'y a pas de récits, d'intrigues et de récits ou d'intrigues sur les récits et les intrigues sans la grande machinerie des supports et des langages, des modes d'inscription et des techniques de déchiffrement et d'interprétation, sans les agencements toujours plus complexes qui constituent les mémoires du monde comme diagrammes mouvants et troués, et l'Éternité comme oubli actif du temps..
               
Dans quelle mesure les nouvelles technologies intellectuelles nous permettent-elles de prendre en compte et de traiter effectivement d'Agencements Collectifs d'Énonciation inventant (???!??)  le réel dans ce qu'ils inscrivent, marquent, indiquent, dans ce qu'ils écrivent, lisent etc... ?

Encore une fois, comment la numérisation des signes et de la pensée nous permet-elle d'envisager la prise en compte du déchiffrement des temps des Textes et des Textes dans le temps ?(...)"



" Ah que!!!"
A+ Bv))

lundi 29 avril 2013

La vérité de la vérité? (?!?) (2)

Véritable terrain de "combat réflexif' : la question du "réalisme" et du "réel " tenu par moult théoriciens comme "illusio">>>> les "théories de l'"oeuvre littéraire" comme "système clos", sans référents, pur "bibelot d'inanités sonores"...

Ex: Charlotte LACOSTE  (Université Paris 10) , écrivant : (...) Des présupposés(?!)  réalistes animent souvent le travail des chercheurs dans les sciences dures et c’est peut-être même là la philosophie spontanée (?!)  de tout mathématicien : comme le note l’éminent (?! Bel argument d'autorité) A. N. Whitehead, même les meilleurs scientifiques ont fait l’hypothèse d’un monde ontologiquement ordonné afin qu’elle leur inspire la « foi scientifique » nécessaire à leurs travaux : « Sans cette conviction, le labeur incroyable des savants serait sans espoir. C’est la conviction instinctive qu’il y a un secret ( le réel; un "secret"???) qui peut être dévoilé… »  (A. N. Whitehead 1967 : 12).
Voir aussi M.-E. Berthon (2000) : « Einstein n’a jamais posé le problème de la science contemporaine sur le plan de la méthode, mais sur celui de l’être ( Quel con!!!!) . Alors que depuis Kant la science ne se pose plus ( puisqu'on te le dit!!!!!) la question de la nature du réel, […] Einstein ( kénn biesse!!!!) , pour sa part, continuait à débattre ( avec qui, donc??? Une aut' biesse???) de ce qu’est la réalité, et de l’adéquation entre une théorie scientifique et cette réalité : il se situait dans une problématique métaphysique, alors que les autres s’intéressaient surtout à une problématique méthodologique ( Ca, ça pue "les kompétens...)».

Bref, pour ceux qui pensent (qui croivent, comme des biesses) qu'il y aurait un peu de "réalité historique, sociale,..." à "la base" d'une oeuvre (litt, picturale, cinéma,...), eh ben, on n'est pas rendu!!!!


To' ratt' Bv))

PS : Aux "narratologues" de se "coltiner" le démêlage, laborieux et complexe, certes, de la part de "réel" - plutôt de VERITES-  et de la part de "fiction", pas nécessairement là où 'l'auteur/narrateur/ critique " l' IMAGINE!!!).

dimanche 21 avril 2013

Littérature? (3)

A ce stade et cette heure, si on fait le point, on peut dire qu' un objet littéraire devrait être considéré selon 2 cas de figure :
- soit nous ne disposons que de l' objet proprement dit ( Roman, recueil de poèmes, ....).
Ds ce cas, outre toutes les approches "narratologiques" purement techniques, et si on s'interroge sur le "degré de réalité" de l" objet,
>>>  avec Ricoeur et d'autres, on peut admettre qu'il y a un "monde du texte", et que ce monde renvoie au monde extérieur ( s'y réfère) selon la dynamique d'une triple "MIMESIS":
- celle qui réfère au monde de l'auteur, lieu de gestation de son projet "litt", que l'on peut voir comme une préfiguration de l'oeuvre;
- celle qui réfère au monde du lecteur, lieu de la "perception" de  l'oeuvre, de la réception, et donc de sa refiguration;
- de cette préfiguration à la refiguration, la "mise en intrigue, saisie, "coulée", comme du béton, du bronze (Hem!!), ds la configuration de l'oeuvre...

Pour démêler la part des 3 démarches, bonne chance! Disons que la narratologie-technique ( étude de la diégèse, pour se débarasser de cet aspect, abond (mal)traité, "ad nauseam", par la plupart des théoriciens de la litt) , l'étude de l'énonciation ( néc partielle ds ce cas), l'approche rhétorique, ou tout bêt "l'analyse de texte", ont leur place SI on les met TOUTES en oeuvre : une approche herméneutique "dignedecenom" DOIT néc en passer par là...

Evidemment qu'une prudence s'impose ds ce qui devient, expliquant pour mieux comprendre, un COMMENTAIRE; je crois not bien utile de traiter l'oeuvre en se basant sur le "principe de précaution" mis en oeuvre par la psychanalyse lors de l'interprétation des rêves : considérer un plan d'expression en surface, mais aussi, not ds le travail d'étude des élts rhétor et symboliques, un plan d'expression "en profondeur", néc biaisé par la "reconfiguration" menée à son corps défendant par TOUT lecteur, y compris (surtout?) les "experts", souffrant svt de myopie philologique ( lunettes lexicales, syntaxiques, sémantiques, en zo voort)...

Et si ns disposons d'accès à des données sur les conditions de production/réception de l'  "époque"?? Alors là, suite au prochain numéro...
To' ratt'!!

samedi 20 avril 2013

Littérature et constitution de l’identité narrative


Faut s'accrocher, mais
(...) Mais le récit ne consiste pas seulement dans un « agencement interne  »; il est encore une « proposition de monde » dont la finalité est de revenir à la vie même et de transformer ainsi les identités personnelles. C’est ce que P. Ricœur appelle cette fois-ci la refiguration (mimèsis III).
ll faut comprendre l’introduction de ce concept comme une réplique au structuralisme. Lequel interdit toute sortie en dehors du texte, en ne s’en tenant qu’aux seules relations immanentes entre les fonctions des récits. Pourquoi vouloir briser cette clôture du texte ? Parce que, affirme P. Ricœur, « le récit est destiné à être lu »(10). 

Par ce fait trivial, le récit excède la clôture interne. Et c’est dans cet espace que se joue la constitution de l’identité narrative dont la médiation se réalise par l’acte de lecture. Aussi « l’histoire d’une vie » ne cesse pas d’être refigurée par toutes les histoires qu’un sujet raconte sur lui-même; cette refiguration faisant de la vie elle-même un tissu d’histoires racontées. C’est pourquoi l’opération dialectique gouvernant le personnage de récit peut être retransposée sur le lecteur lui-même : « la littérature s’avère consister en un vaste laboratoire pour des expériences de pensée où sont mises à l’épreuve du récit les ressources de variation de l’identité narrative. »(11) Au moyen de l’acte de lecture, l’identité personnelle se constitue en rendant intelligible ce qui pouvait apparaître dans la vie comme un simple accident ou comme une simple occurrence.
( Narrativité, narration, narratologie : du concept ricœurien d’identité narrative aux sciences sociales         Johann Michel  ) 
Et ça, c'est un autre enjeu social, psychologique et philosophique que les "kompétenss' "...

To' ratt'!!

mercredi 17 avril 2013

Pour nous désorienter

Et voilà...

Bon... Sociologie de la lttérature - ou sociocritique- à tout va ( gamberge pré-pension ? : tout c'qu'il eût fallu(t)  expliquer et dont ns ne prîmes jamais le temps?) , fin d'un Nesbo... Temps mort d'où réouverture de Faire un prisonnier de Cendrars et pan! ds la gueule:  la litt., avec ou sans socio, la vraie... Nous sommes sur la ligne de front, en 14 ( Voir le suffocant roman d'Echenoz...) :

"         A notre insu, ces flâneries nous aguerrissaient. Car il y avait encore pour nous désorienter tout en nous rappelant à l'ordre des effets surprenants de brume et des enroulements et des désenroulements de brouillard sur l'eau, des mouvements et des éclairages de nuages et des apparitions et des disparitions subites de lune dans les déchirures et les coulisses du ciel et de l'onde moirée de reflets et de trous d'ombres mobiles ; et la mise en scène au sol et au niveau de l'eau, arbre mort, touffes nageantes, paquets d'herbes à la dérive, silhouette anthropomorphe d'un saule étêté, remue-ménage dans les roseaux et les joncs, froissements de robes, cimes agitées, signes mystérieux, branches contorsionnées, froufrous de manches dans le vent, bourrasques brusques faisant gesticuler les rameaux et les ramillons et se dérouler les baguettes dont les rares feuilles pendantes, proches, tout proches, se tendaient à nous toucher le visage comme des mains humides aux doigts glacés pour nous alerter, et pour nous faire peur et pour nous tenir malgré nous sur le qui-vive au point de nous couper le souffle, le saut inattendu de quelque bête, gros rat, loutre, dans l'eau, dont nous entendions le gémissement de frayeur, la fuite précipitée dans la fange et dont nous croyions sentir sur notre face l'haleine rauque et enfiévrée d'épouvante animale.

        Nous rentrions souvent drôlement impressionnés par la nature, mais sans jamais perdre la boussole, justement à cause du rôle absurde que nous y tenions."

Que dire? : description, récit, poésie, tout mélangé, avec la rythmique syncopée par les "et", et cette loutre qui te saute à la face... On est pile entre "Le grand Meaulnes" (si maniéré) et le "Voyage" ( si vociférant)... Ici , l'eau, la guerre, et l'entre-deux, où l'on vogue à la sauvette, mais jamais impunément...

dimanche 7 avril 2013

Littérature ? (2)

(...) "Une remarque, tout de même ( nous dit un fort sagace blogueur hélas! anonyme, sur "Philia" -N de Fr) : ne serait-il pas judicieux de "revisiter", pour y parvenir vraiment, la notion de vérité, que les sciences se sont peut-être un peu vite accaparée (...même si, il est vrai, les scientifiques d'aujourd'hui font preuve, du moins verbalement, d'une humilité que les "savants" d'autrefois n'avouaient pas toujours facilement) ?

En effet, si vous pensez que la quête du sens vaut toujours la peine d'être entreprise, cela ne peut-il pas vous conduire à contester l'impérialisme du "modèle objectiviste" initié par les sciences de de la nature en ce qui concerne l'idée de vérité ?

La souffrance, par exemple, ne se "mesure" pas ( bien vu-NdeFr!!!). Donc elle "n'existe" pas vraiment : seriez-vous d'accord avec cette conclusion ? Non ? Alors il faut revoir l'idée que la vérité des phénomènes n'est établie que lorsqu'ils sont objectivement mesurés. Vous avez même le droit ( lecteur/ lectrice) d'être un peu plus "méchant", un peu plus radical : en effet, la science entendue ainsi peut-elle saisir la vérité de l'homme ? Ne doit-elle pas (comme d'ailleurs vous le suggérez) convenir que la philosophie reste nécessaire - pas seulement comme métaphysique abstraite, et encore moins comme "opinion" (puisque la philosophie s'est constituée contre l'opinion), mais bien comme "discours vrai" ? En d'autres termes, vous pourriez contester aux sciences le monopole de la vérité qu'elles peuvent encore prétendre détenir."  


Et poussons la réflexion ds "notre sens": les "théoriciens" de la "littérature" doivent-ils tjrs "courtiser" les Sciences comme des lévriers courent au cul d'un leurre? Ne trouverait-on pas avantages à traiter la Litt. comme un "sujet" philosophique plutôt que comme un "objet" scientifique???

Ce qui n'exclut ni un vocabulaire "spécifique" ni une "droiture" méthodologique ( merde alors)...

A suivre...

mardi 2 avril 2013

Littérature ? (1)

Faisons le point...
Sans trop d'audace, appelons "littérature" cet ensemble d' "oeuvres" reconnues comme faisant part de cet ensemble ( à dimension variable) par des "initiés" en 1 lieu "e", en 1 temps "t", et caractérisées par divers éléments distinctifs, dont "l'écart" marqué vis-a-vis de l'usage commun du langage en "e1-t1, e2-t2,.."...

Bref, une liste d' "auteurs" adoubés ( par qui? Autre affaire... ), au "prestige" inégal et à durée variable; mais liste que les "initiés" ( profs, critiques, théoriciens, spécialistes, écrivains,....) approuvent sans trop  barguigner (HugoracinemalrauxrabelaismaupassantsiniacQui? Siniac!Iinconnu au bataillon), en se réservant qques bonnes poires pour la soif de discorde : 
- " Céline?" 
- "Oui, mais pas les saloperies!!!"... 
- "Perec?" 
- "C'est pas Mauriac!" 
- "Heureusement!...  Amélie N. ?"
- "Allez, djo, pour le folklore!"
- "Jardin?"
- "?????!?...Lequel?"
- "Alex..."
- "Ah ben m...de! Faut pas pousser!!!"

A suivre...


dimanche 31 mars 2013

La vérité de la vérité? (?!?) (1)


Puis-je dire ( de) la vérité quand je mens?

Si l'on prend le cas des "préfaces fictionnelles" chères à G. Genette (Seuils ...), moi, écrivain, je mens à mes lecteurs en leur fournissant une piste de lecture que je sais être fausse ( Voltaire, Candide : " feuillets retrouvés ds la poche du Dr Ralph...")...

Ce faisant, j'ajoute toutefois un supplément de vraisemblable à mon oeuvre; le lecteur n'est pas dupe ( quasi personne à l'époque de Voltaire!), mais il se doute, ce lecteur en "connivence" (mais si!), que même si le récit déborde de caricatures, d'outrances et d' "invraisemblances", il représente qd même le tremblement de terre de Lisbonne en 17.., et stt le comportement imbécile de l'Inquisition à cette époque!!
Cette part de vérité-là, "historiquement avérée", intègre non seulement les faits mais aussi, et stt, l'OPINION de l'auteur sur ces faits ( car "il est vrai" - "histor aver"(!!!) - que Voltaire considérait les membres du Très Saint Tribunal de la Très Sainte Inquisition comme une bande de crétins malfaisants!!)...
Ainsi, la préface "toute en feintise" (pffffff... Schaeffer) surligne cette clause, non-dite mais ô combien entendue pour qui lisait Voltaire, : "Je vous mens d'abord pour mieux vous dire certaines vérités ensuite..."... Paradoxe apparent, confirmation du caractère vraisemblable de la fiction, se tramant autour du réel comme une parodie autour du texte de référence, et indiquant au lecteur, en un "clin d'oeil" littéraire, que "si toute vérité n'est pas bonne à dire", le lecteur sortira de la fiction lesté de qques vérités sur son époque...

"Mais pour rien au monde, nous dit aussi Voltaire, je ne suis prêt à passer le moindre jour en prison pour tes beaux yeux, lecteur!"...  Autre vérité de l' époque, relevant cette fois de la place de l'écrivain ds la société du XVIIIe: conseiller des Princes mais aussi membre "actif", au moins pour une partie, de l' Encyclopédie; philosophe mais aussi grand reporter, témoignant, à coups de "gags fictionnels" ( relisez les intitulés des chapitres!!!) de l' état de son siècle... A ses risques et périls!!

A suivre...

" Comment la fiction nous dit-elle le réel?"(1)



Txt     
Comme l'écrit Eric Hobsbawm (L'Age des extrêmes, Ed. Monde diplo/ Complexe, Bxl,1999), "(...) Pourquoi de brillants créateurs (...) notoirement non analytique, réussissent-ils parfois ( souvent???) mieux à anticiper la forme des choses à venir que les professionnels de la prédiction? C'est l'une des questions les plus obscures de l'histoire et (...) l'une des plus centrales."(AE, p239)

Très modestement, mais poussé dans le dos par la proximité de la pension ( "Faut tout sortir!!"), de qques dizaines d'années de "pratique" sur le "terrain" scolaire, face (!?) à des milliers d'Es, je me dis que je peux "oser" tenter de formuler qqs élts de réponse à ces "obscures" mais si stimulantes questions, que l'on peut réduire à une seule : comment l'art rend-il compte du monde, et plus spécifiquement :

" Comment la fiction nous dit-elle le réel?"

Pour commenter les rapports entre fiction et réel, il me semble indispensable d'introduire un "moyen terme", le concept de VERITE...

"Tout se passe comme si..." on ne pouvait accéder directement au réel, qu'on ne pouvait en traiter qu' à travers des intermédiaires, des modules de perception, dont  la PENSEE et, d'un même coup, souhaité ou non, le LANGAGE...

Ne voulant noircir  des pages sur les rapports pensée/ langage ( ce sera pour une autre vie), nous postulerons un "TRIANGLE HERMENEUTIQUE" Fiction - réel - vérité, et en déduirons la problématique "Comment la fiction formule-t-elle une/des vérité(s)  sur le monde" , and so, we go...


"Comment la fiction formule-t-elle une/des vérité(s)  sur le monde?"

Dans un de ces moments de "délire intuitif" dont je suis coutumier sur le coup de minuit, j'ai pu noter que:

"" Art et fiction étaient ts 2  "éléments de la réalité" ( je peux acheter une oeuvre d'art -format timbre-poste en ce qui me concerne; je peux de même acheter - ne mégotons pas pour qqs milliers d'euros!- le "story board" d'un Lang, des bouts de décor du "Quai des Brumes"...);

""  dès lors, Art et Fiction constituaient / transportaient / REPRESENTAIENT  des "formes" de vérité, infiniment partielles et partiales, mais hautement "vraisemblables" , soit  avec un fort taux d' adéquation avec certains éléments de réalité, constituant donc des simulacres soc acceptables de ces élts...
Ainsi, j'identifie aisément un laboureur, qque fort richement vêtu, ds "La chute d'Icare" de Breughel ( moins facilement des prostituées ds "Les demoiselles d'Avignon"!); il me semble reconnaître une scène de Ducasse ds le "Germinal" de Zola, ...

"" si je reprends le triangle philosophique CONCEPT- PERCEPT- AFFECT , rendu célèbre par au moins Deleuze, je peux établir les équivalences :

* vérité = concept
* représentation / simulacre = percept
* socialement admissible = affect

L' ensemble étant "interprétable" en tant qu' éléments de REALITE jugés "plaisants" ou "déplaisants", "bien vus" ou "loupés", "crédibles" ou "non-crédibles", sublimes ou ridicules, en zo voort...

NB: pour sortir du schéma "stimulus-réponse" svt décrit comme seule formulation "efficace" de la réalité et des réactions qu'elle suscite, ns rappellerons que toute perception est loin d'être "biologiquement automatique" : distrait, je peux ne pas m'apercevoir de suite que le feu vient de passer au vert; seuls les coups de klaxon , me surprenant, me feront avancer... De plus, je n'aurai guère la tête à couvrir les klaxonneurs d'insultes, plutôt penaud de ma distraction...
Dès lors, aucun aspect de la réalité n'échappe, en tout ou en partie, à la socialisation ( voire la "culturisation"), donc à une approche historique, donc à une fictionnalisation ( la "Mise en intrigue" chère à Ricoeur et moi-même), au moins sous forme dégradée de "storytelling"...



A suivre....
















mardi 12 mars 2013

En italien...

METAFORA, TEMPO E RACCONTO

La recherche "linguistique", liée aux travaux de synthèse actuels, reconnaît de nouveaux phénomènes discursifs, soit la production de sens nouveaux à travers les procédures polysémiques , le pouvoir créatif de l'imagination et une réflexion sur la question du "temps", celui de l'Histoire comme celui de la fonction narrative et mimétique du récit, dans "La métaphore vive" et "Temps et récit"...

La teoria ricoeuriana si configura come una teoria filosofica rivolta prevalentemente a rivalutare il senso, il significato e la funzione ermeneutica ed ontologica della metafora viva al livello del discorso e non della semplice denominazione.

 È attraverso la metafora, quale manifestazione e luogo di produzione del linguaggio creativo e veritativo, che noi uomini facciamo l'esperienza della metamorfosi del linguaggio e della metamorfosi della realtà.

Secondo Ricoeur, la necessaria revisione e critica della tradizione retorica della metafora sposta il problema della metafora da una semantica della parola ad una semantica del discorso.
Per Ricoeur, la “ scintilla di senso ” costituiva della metafora viva, cioè l'enunciato metaforico, vero e proprio “ poema in miniatura ”,  è una “ predicazione bizzarra ”, un' “ attribuzione impertinente ”:  un evento testuale e discorsivo che, carico di una potenzialità di ri-figurare la realtà e insieme capace di scoprire dimensioni nascoste dell'esperienza umana e di trasformare la nostra visione del mondo:  un senso nuovo viene creato proiettando una nuova comprensione del mondo. La “verità metaforica”, sospendendo la “referenza” ordinaria per attivare quella secondaria, "divisa", "spezzata", contribuisce, come dice Ricoeur, a una ridescrizione del reale e, più generalmente, del nostro essere-al-mondo,  la verità di un mondo ridescritto e riconfigurato  "quelle del poter essere ” (“Dal testo all'azione”).
La riflessione sul rapporto fra temporalità, storia e funzione narrativa del racconto viene svolta da Ricoeur nell'imponente trittico di Tempo e racconto, dando così concretezza al disegno della “via lunga” dell'ermeneutica tra fenomenologia, epistemologia ed ontologia prospettata negli anni Sessanta.  La problematica della funzione narrativa del racconto come luogo in cui il tempo diviene tempo umano è invece affrontata in due sezioni distinte: 

l'una incentrata sulla configurazione, cioè sulle operazioni narrative operanti all'interno stesso del linguaggio (linguaggio ordinario, storia, finzione) nella forma della costruzione dell'intreccio dell'azione e dei personaggi;
l'altra sulla rifìgurazione,  mostra che la temporalità  richiede il discorso indiretto della narrazione - e una poetica della narratività, la quale, se ricollocata all'esperienza esistenziale della temporalità (nella sua dialettica di passato, presente e futuro).
L'idea direttrice generale, secondo Ricoeur, è che nel racconto il tempo viene organizzato, parimenti, solo l'esperienza temporale permette al racconto di divenire significativo: il racconto porta a compimento la sua corsa soltanto nell'esperienza del lettore, del quale esso “rifìgura” l'esperienza temporale.
Secondo questa ipotesi, il tempo è in qualche modo il referente del racconto, mentre la funzione del racconto è di articolare il tempo in modo da conferire ad esso la forma di un'esperienza umana. Come dice Ricoeur: “  Il mondo dispiegato da qualsiasi lavoro narrativo è sempre un mondo temporale. [...] Il tempo diviene tempo umano nella misura in cui è articolato in modo narrativo; per contro il racconto è significativo nella misura in cui disegna i tratti dell'esperienza temporale ” (“Tempo e racconto”).
Il problema che si pone è quindi quello del passaggio
dalla configurazione all'interno del testo del racconto,
alla rifigurazione del mondo reale del lettore,
fuori dal testo del racconto.
Nell'affrontare questo problema all'ermeneutica spetta pertanto il compito d'indagare il complesso delle operazioni che consentono all'autore del racconto di presentare al lettore la sua "storia", distinguendola dall'esperienza quotidiana, ma senza lacerare i fili che ad essa la connettono.
Nei confronti della costruzione dell'intrigo narrativo, l'ermeneutica, nel circolo tra racconto e temporalità, è dunque chiamata a svolgere una triplice “mimesis” intesa in senso dinamico come un processo attivo di imitazione e rappresentazione dell'azione. Imitazione creatrice nel triplice senso: “
- mimesi come precomprensione dell'azione, in quanto l'azione umana è già strutturata linguisticamente;
- mimesi come capacità dell'opera narrativa di configurare, di dare forma al mondo delle azioni umane;
- mimesi, infine, come capacità dei testi narrativi di alimentare una nuova prassi di ri-figurare l'azione.(...)
doc      Dans les années 1960-1970, la réflexion de Ricoeur renvoie principalement à la thématique du conflit des interprétations insurmontable qui oppose les herméneutiques du soupçon (Marx, Nietzsche, Freud), aux herméneutiques qui sont à la recherche  d'une compréhension téléologique et amplificatrice,  d'un surplus de sens (Hegel, Jaspers, Nabert,...).
Dans les derniers travaux, elle subit un remaniement théorique important. Vers le milieu des années 1970, en effet, l'herméneutique des symboles se transforme en herméneutique des textes. Pour lui, cette tension même fait partie de l’interprétation : « Expliquer plus, c’est comprendre mieux » (TA, p. 22). Car le sens d’un texte peut dans le même temps répondre précisément à un contexte donné, et répondre à des questions radicales, vivantes en tous temps.
D’un côté l’herméneutique mesure ainsi la distance introduite par les langages et l’histoire (distance entre nos contextes et ceux auxquels répondaient ce texte). De l’autre elle rappelle l’appartenance irréductible du sujet interprétant au monde qu’il interprète (appartenance du sujet interprétant à la même question que le texte interprété). Cette équation d’appartenance et de distance donne peut-être la bonne distance pour une lecture crédible. L’originalité de Ricœur consiste à ne pas séparer l’ontologie herméneutique des traditions issue de Heidegger et Gadamer, et la critique des idéologies de Habermas ou l’exégèse historique (TA p. 362) : « Comment fonder les sciences historiques face aux sciences de la nature ? Comment arbitrer le conflit des interprétations rivales ?
L'attention plus forte prêtée aux médiations textuelles ouvre la voie à de nouvelles recherches d'une grande fécondité, aussi bien ontologique que pratique. En ancrant sa conception du texte dans la notion de discours (« quelqu'un dit quelque chose à quelqu'un sur quelque chose »), Ricœur découvre trois nouveaux grands chantiers philosophiques :
- la médiation par l'empire objectif des signes,
- la reconnaissance d'autrui impliquée dans l'acte d'interlocution,
- le rapport au monde et à l'être.

Par la suite, avec Du texte à l’action, Ricœur ne s’est pas tenu à cette herméneutique critique, et y a adjoint de plus en plus une herméneutique poétique. C’est d’abord que « Grâce à l’écriture, le discours acquiert une triple autonomie sémantique :
- par rapport à l’intention du locuteur,
-  à la réception par l’auditoire primitif,
- aux circonstances économiques, sociales, culturelles de sa production » (TA, p. 31).
L’étude littéraire des configurations proprement poétiques du texte (métaphores, récits, etc.) fait voir une vérité du texte en aval, comme une interrogation neuve qu’il glisse dans les présuppositions admises, et qui lui permettent de bouleverser les contextes successifs de sa réception. De même qu’une sorte de référence seconde est ouverte au monde, le lecteur accède ainsi à une « naïveté seconde », post-critique : « La subjectivité du lecteur n’advient à elle-même que dans la mesure où elle est mise en suspens, irréalisée, potentialisée. La lecture m’introduit dans les variations imaginatives de l’ego. La métamorphose du monde, selon le jeu, est aussi la métamorphose ludique de l’ego. » (TA p. 117).
Enfin la pointe de cette poétique est éthique, c’est une invitation à habiter et à agir le monde : « Qu’est-ce qui reste à interpréter ? Je répondrai : interpréter, c’est expliciter la sorte d’être-au-monde déployé devant le texte. » (TA p. 114).
 
Ricœur parle d’une greffe de l’herméneutique sur la phénoménologie, comme si la démarche de remontée à l’originaire butait et se retournait vers le monde déjà là : « Dès que nous commençons à penser, nous découvrons que nous vivons déjà dans et par le moyen de "mondes" de représentations, d’idéalités, de normes. En ce sens nous nous mouvons dans deux mondes : le monde prédonné, qui est la limite et le sol de l’autre, et un monde de symboles et de règles, dans la grille duquel le monde a déjà été interprété quand nous commençons à penser » (AP, p. 295.).
Par ailleurs le dissensus herméneutique semble indépassable : « C’est seulement dans un conflit des herméneutiques rivales que nous apercevons quelque chose de l’être interprété : une ontologie unifiée est aussi inaccessible à notre méthode qu’une ontologie séparée (…) Mais cette figure cohérente de l’être que nous sommes, dans laquelle viendraient s’implanter les interprétations rivales, n’est pas donnée ailleurs que dans cette dialectique des interprétations » (CI p. 23-27).
Enfin notre condition herméneutique semble liée au fait central que chaque génération doit réinterpréter le monde où elle se découvre, et que les paroles et les écrits ne répondent à des questions qu’en en soulevant des nouvelles :
«  Nous survenons, en quelque sorte, au beau milieu d’une conversation qui est déjà commencée et dans laquelle nous essayons de nous orienter afin de pouvoir à notre tour y apporter notre contribution » (TA p. 48).


doc    « La métaphore est un travail sur le langage qui consiste à attribuer à des sujets logiques des prédicats "incompatibles" avec les premiers » (TA 19).
 
On peut distinguer les métaphores mortes, déjà sédimentées dans la polysémie admise par le lexique, et les métaphores vives, qui sont des émergences de langage, des innovations sémantiques. La métaphore vive cependant n’est pas un pur jeu d’un langage sans monde, qui se célèbrerait lui-même : « la métaphore est le processus rhétorique par lequel le discours libère le pouvoir de certaines fictions de redécrire la réalité » (MV 11). C’est pourquoi Ricœur parle de « vérité métaphorique ». C’est un des pivots de sa philosophie.
 
La démarche de Ricœur consiste à déplacer la question : non plus la métaphore-mot, dénomination déviante, mais la métaphore-énoncé, prédication impertinente : il y a moins substitution sémantique que tension entre des aires sémantiques hétérogènes, soudain rapprochées par l’attribution de prédicats ordinairement incompossibles avec le sujet. « Il y a alors métaphore, parce que nous percevons (..) la résistance des mots (..) leur incompatibilité au niveau d'une interprétation littérale de la phrase » (TA 20). « La ressemblance est alors la catégorie logique correspondant à l’opération prédicative dans laquelle le rendre proche rencontre la résistance du être éloigné ». (MV 249). Ce rapprochement inédit fait image : « L’image n’est pas un résidu de l’impression, mais une aurore de parole » (MV 272 ), et Ricœur parle d’un schématisme de l’attribution métaphorique dont la métaphore fait voir le jeu (MV 253).
Ricœur ne se borne pas à ce « travail de la ressemblance », car il déploie alors une théorie de la référence dédoublée ou poétique. « Il se peut que la référence au réel quotidien doive être abolie pour que soit libérée une autre sorte de référence à d’autres dimensions de la réalité » (MV 187). « Il se peut que l’énoncé métaphorique soit précisément celui qui montre en clair ce rapport entre référence suspendue et référence déployée, qui acquiert sa référence sur les ruines de ce qu’on peut appeler, par symétrie, sa référence littérale. » (MV 279). On peut ainsi parler d'une référence tensive, où la métaphore répare en quelque sorte la perte de singularité occasionnée dans le langage par l'attribution de prédicats (SA 40), et Ricœur écrit que « la mimésis est le nom de la référence métaphorique » (MV 308).
Ricœur n’hésite pas à parler de vérité métaphorique : « Pour démontrer cette conception ‘tensionnelle’ de la vérité métaphorique, je procèderai dialectiquement. Je montrerai d'abord l'inadéquation d'une interprétation qui, par ignorance du ‘n'est pas’ implicite, cède à la naïveté ontologique dans l'évaluation de la vérité métaphorique ; puis je montrerai l'inadéquation d'une interprétation inverse, qui manque le ‘est’ en le réduisant au ‘comme-si’ du jugement réfléchissant, sous la pression critique du ‘n'est pas’. La légitimation du concept de vérité métaphorique, qui préserve le ‘n'est pas’ dans le ‘est’, procèdera de la convergence de ces deux critiques" (MV 313) . Ainsi « Il faut introduire la tension dans l’être métaphoriquement affirmé » (MV 311). « Le paradoxe consiste en ceci qu'il n'est pas d'autre façon de rendre justice à la notion de vérité métaphorique que d'inclure la pointe critique du n'est pas (littéralement) dans la véhémence ontologique du est (métaphoriquement) » (MV 321).

L’expression véhémence ontologique mérite d’être soulignée. Elle renvoie au thème de l’affirmation et de l’attestation. Mais ici elle désigne une protestation, au nom de la rigueur même des analyses sémiotiques, contre une idéologie structuraliste alors excessive (La métaphore vive est publié en 1975), dont le mot d’ordre est la clôture du signe. Ricœur soutient au contraire « l’éclatement du langage vers l’autre que lui-même : ce que j’appelle son ouverture » (CI 68). « S'il est vrai que tout emploi du langage repose sur un écart entre les signes et les choses, il implique en outre la possibilité de se tenir au service des choses qui demandent à être dites, et ainsi de tenter de compenser l'écart initial par une obéissance accrue à la demande de discours qui s'élève de l'expérience sous toutes ses formes » (« Mimésis, référence et refiguration dans Temps et Récit », Etudes Phénoménologiques n°11, 1990, p.40).

... Ces "considérations" permettraient aussi de voir 'l'imaginaire social" comme un "englobant"  (structure? champ? .....) de discours sociaux mutiples METAPHORISES, en tout ou en partie, lors de la mise en intrigue, pour donner corps au "monde du texte"...
(A mes yeux, notion capitale, même si formulée "naîvement" par un vieux bonhomme, un peu "kékè", mais qui a la bonne grâce de maintenir, contre vents et marées, la fonction référentielle de tout texte/poème/récit/ discours : comme Barthes disait : "Tout a un/du sens, ou rien n'en a", on devrait dire :  " Tout texte est référentiel - "directement ou indirectement"- ou rien ne l'est") M.,  mars 2013.

lundi 11 mars 2013

discours sociaux


   Fragments de discours sociaux et txts litt

Au bout du cpte, si l'on cherche à "faire le compte" des intrusions du social ( IE l'espace-temps socio-culturel d'une époque) ds un txt litt Y, on est amené à y rechercher :
- les élts d'idéologie(s) de cette époque;
- les élts de discours sociaux relevant des croyances, lieux communs, ... en cours;
- les élts de représentations sociales;
- les élts symboliques appartenant à l'imaginaire collectif et contingent  selon, not, les catégories sociales représentées ds 

le txt Y;
- les aphorismes appartenants aux sous-entendus, présupposés, préjugés et stéréotypes de l'époque;
- les représentations mentales de "l'auteur", accessibles  not à travers les élts biographiques et familiaux, le "background des "oeuvres" ( romans, poèmes, txts journalistiques,...);
- les élts liés à l'intertextualité, incluant la "bibliothèque mentale" de "l'auteur", mais aussi les contraintes spécif litt, le "genre" not;
- les contraintes liées aux démarches d'édition et de diffusion des "oeuvres" de même ordre, y compris les notifications d'un comité de lecture,...
- Et alii specifques...


Ce qui n'est pas une mince affaire... Et tout cela avt de prétendre avoir accès à la "littérarité" du txt Y, elle-même soumise à quantité de représentations, liées not à l" intégration" en "habitus" professionnel des "schèmes de perception du travail d'écrivain, de la représentation des lecteurs/trices "visés", des discours de pairs ( réception critique des "oeuvres" précédant le txt Y), de l'appartenance au mode de production "large" ou "restreinte"...


Car tte "oeuvre" est plus ou moins largement la production de ts ces "codes"/ fragments de dicours, svt contradictoires, plus ou moins bien "intégrés" ( "mis en intrigue", Ricoeur) , consciemment ou non, par "l'auteur"...

Cela laisse rêveur...

dimanche 10 mars 2013

Narration et lecture...

Une chercheuse/ un chercheur propose la réflexion suivante sur le concept de narration et son implication pour la démarche de lecture...

"Entrer dans le monde du récit". Le titre donné à cet article signale d'entrée de jeu une consonance avec les travaux de Paul Ricœur sur la narrativité. Je vais d'ailleurs montrer à quel point l'analyse narrative est redevable d'exister, entre autres, à Paul Ricœur. Mais, comme on le verra, de nombreux critiques littéraires  et  de  nombreux  théoriciens  des sciences du langage, essentiellement américains, ont contribué à faire naître ce type de lecture qu'on dénomme l'analyse narrative. C'est  toutefois  à  Ricœur  que  l'on  doit  la formule "monde du texte" (une formule qui dérive de la théorie des "mondes possibles", issue de la philosophie de Leibniz). Le monde du texte est ce monde que le récit propose et déploie devant lui, un monde qui a  son  intrigue,  son  réseau  de  personnages,  son système de valeurs, ses codes de communication.
Tout texte aligne une série de représentations agencées selon un code; ce code doit être connu, ou alors appris par le lecteur, de façon à permettre le déploiement du monde du récit.
Car c'est bien le lecteur, la lectrice qui déploie le monde du  texte  par  l'opération  de lecture. C'est bien lui qui déroule le monde du texte à partir de ce que le texte dit, mais aussi de ce que le texte ne dit pas, donc à partir de ce qu'il présuppose implicitement.
Umberto  Eco  a  développé  dans  Lector  in  fabula  cette  idée  de  la  coopération interprétative du lecteur, une coopération que requiert le texte pour être lu, c'est-à-dire pour être déchiffré dans ce qu'il dit et dans ce qu'il laisse entendre.
Ma réflexion va porter sur ce point, exactement. Entre le récit et  le  monde  du  récit s'interpose une opération, qui est l'opération de lecture, par quoi le lecteur parviendra à construire et à habiter un univers que lui propose le texte. Mais  sur  quels  éléments travaille la lecture ? Quelle stratégie le narrateur a-t-il pratiquée pour orienter la lecture ?
Quel jeu se déroule entre le dit du texte et son non-dit ? Par quels moyens le narrateur déclenche-t-il adhésion ou répulsion envers ses personnages ? Comment fait-il connaître son  système  de  valeurs  ?  Que  cache-t-il  au  lecteur  ?  Voilà  le  type  de  questions auxquelles s'intéresse l'analyse narrative. 

L'analyse narrative s'attache à déterminer par quelles procédures le narrateur construit un  récit  que  l'opération  de  lecture  va  déchiffrer  pour  en  libérer  l'univers  narratif.
L'analyse narrative se donne ainsi les moyens d'identifier l'architecture narrative du texte qui, par  l' opération   de  la  lecture,  va  déployer  ce  monde  où  le  lecteur,  la  lectrice  est convoqué à entrer.


Voilà qui donne de quoi gamberger...


dimanche 3 mars 2013

Du sujet perturbé à l'objet disséqué

         Du sujet perturbé à l'objet disséqué
  "Les Experts" et la réification du "Moi"

Dans l'histoire du Récit Policier, plusieurs époques :
- "Maigret" et le modèle religieux de la confession ( ou les lieux communs de Mme Maigret érigés en "théorie de l'homme nu'");
- Hammet et le comportementalisme ( le monde du crime comme reproduction des conflits sociaux);
- Manchette et le "sujet dépassé" ( le chaos mental comme résultante du chaos social);

- Approche "humaine" du COUPABLE comme "Moi" ( trop?) complexe, à travers des  " études de cas", comme dans "Derrick", "Columbo" 
- Etc.........

    Avec "Les Experts", c'est bien la conception Ruppert-Murdochienne ( la Fox) qui s'impose ds le RP :  dissolution de la complexité du mobile ( et du Moi du criminel) et négationnisme de la Motivation ( I E , la complexité du sujet pensant)...
    Ds cette représentation "en série", le "crime" ( comme sa scène) devient un système fermé, un acte démotivé qu'il s'agit non plus d'INTERPRETER, mais bien de RECONSTITUER ( image du "puzzle"), de DISSEQUER ( l'investigation comme processus nécrophilique), de RESOUDRE ( l'enquête comme équation/ problème)...
NB; ces diverses représentations étaient déjà présentes ds les formes antérieures du RP, mais au "cas par cas", assorties à d'autres modèles de COMPREHENSION...
    La domination des modèles "Les Experts    ", c'est bien l'éjection du RP de tte forme d'empathie pour privilégier l'approche médicale/comptable ( pharmaceutique: le crime doit être "nettoyé", la "scène" NORMALISEE)...
    Le fonctionnement de l'enquête 'Experts", c' est la mise en oeuvre des innovations techniques couplée à la division du travail la plus pointue...
    C'est donc l'abandon d'un processus de compréhension progressive d'une fiction ( hypothèse) afin de la valider comme "histoire", celle du crime ET du criminel, avec des motivations socialement vraisemblables ( donc bienséantes, recevables par "tous", du moins ds les séries "prime time")... C'est aussi l'abandon "humain" du COUPABLE comme "Moi" ( trop?) complexe,   même réduit à " l'étude de cas" comme dans "Derrick", "Columbo" ( autre époque du RP; à ajouter ds "Etc") ... La fin de l' empathie... (A suivre...)


mardi 26 février 2013

3 mimésis pour le prix d'une...

Les trois Mimesis formulées par Ricœur (1983).

Tout récit s’enracine dans une première mise en forme de l’action, celle des histoires ou des fragments d’histoires de la vie quotidienne. Le récit prend son origine dans le monde de la vie qui est déjà chargé d’évaluations éthiques puisqu’il s’agit presque toujours d’amour ou de violence de générosité ou de lâcheté (Mimesis I).

Au niveau de la Mimesis II, c’est-à-dire de la mise en intrigue proprement dite, la dimension éthique apparaît clairement. La tragédie – enseigne Aristote – a pour sujet les tribulations d’un homme « semblable à nous » qui passe du bonheur au malheur et qui est malheureux sans le mériter. En élargissant de la tragédie à d’autres genres littéraires, on pourrait dire que pour que des histoires valent la peine d’être racontées, il faut qu’il arrive des histoires aux personnages. Mais ces histoires ne sont pas seulement des problèmes à résoudre, ce sont également des épreuves. C’est donc de l’intérieur de l’œuvre qu’est ménagé un espace d’identification dans lequel le spectateur de la tragédie éprouvera de la crainte et de la pitié pour ce qui n’arrive pas seulement qu’aux autres. 


C’est pourquoi, du côté de Mimesis III, de la reconfiguration de l’œuvre dans la réception, lire une histoire ce sera porter des évaluations éthiques. Certes il ne s’agit pas encore de jugements moraux. La lecture peut bien se situer au-delà ou en deçà du bien et du mal. Évaluation éthique veut dire ici que la littérature constitue pour le lecteur un « laboratoire » où lui sont présentés des possibles de vie. Un récit n’est pas seulement reçu comme un jeu intellectuel, mais comme l’évocation d’une expérience de vie qui interpelle et l’auteur et le lecteur...


A suivre!! 

vendredi 15 février 2013

Interprétation et communication


A.  La communication linguistique ne se réduit pas à un simple schéma...
1) Les mots sont pour la plupart porteurs de dénotations mais aussi de connotations, qui interfèrent dans la "simple" compréhension du message;
2) Les phrases ne peuvent être réduites à la simple addition des mots; tout comme le "tout est plus que les parties", la phrase, dans sa totalité/complexité, en dit plus que la succession des mots...

B. A la suite de Benveniste, il faut réaffirmer que:
-  «La nature essentielle de la langue, qui commande toutes les fonctions qu’elle peut assumer, est sa nature signifiante. (...) Mais qu’est-ce que signifier ?» Pour répondre, il faut d’abord s’enquérir des «éléments qui se partagent ce caractère signifiant», à savoir les «segments de langue» que sont les signes.
Mais puisqu’existent des signes de toutes sortes, naturels, graphiques, sonores, gestuels, etc., la linguistique ne peut pas se désindexer de la «science des signes», la sémiologie. C’est pourquoi Benveniste s’intéresse d’abord aux fondateurs de l’une et de l’autre, Ferdinand de Saussure et Charles Sanders Peirce, et procède à une lecture critique de leurs théories, en en soulignant les limites.
Mais il est un autre écueil : la langue «non seulement est faite de signes», mais est «productrice de signes», au sens où «le système qui la compose engendre lui-même de nouveaux systèmes dont la langue est l’interprétant». Ou plutôt: le système qui la compose est utilisé - par qui? ds quelle(s) intention(s), ds quel(s) contexte(s) - pour engendrer de nouveaux (mini) systèmes, dont la langue ( plutôt les usages des locuteurs)  est (sont) l’interprétant  ...
 Dès lors les sources de la «signifiance» deviennent multiples, sinon inextricables.
On en est donc réduit à distinguer deux aspects du langage, celui dans lequel le langage apparaît comme  a) un ensemble d’énoncés et celui de b) la production d’énoncés réalisée par l’acte discursif que chaque locuteur accomplit au moment où il parle. Il faut  donc adjoindre à la linguistique classique, qui a pour objet le texte même de l’énoncé, une «linguistique de l’énonciation», capable de définir le cadre formel d’«engendrement» du sens, et exigeant donc davantage qu’une analyse des éléments linguistiques (phonèmes, monèmes, mots…) ou des règles (phonétiques, morphologiques, syntaxiques) : la prise en compte de l’acte individuel d’énonciation, l’Autre auquel dialogiquement il s’adresse (individu, groupe, institution…), la référence à un réel (physique, sociétal, politique…).
Ainsi s’effectue, comme l’a écrit Roland Barthes, l’«inscription de la personne dans le langage» - sinon le rapprochement avec d’autres «philosophies du dialogue», telles que celles de Martin Buber ou Levinas. Mais sans doute doit-on retenir que les études de l’interlocution, des systèmes et des procès de signification menées par Emile Benveniste - jusqu’aux Dernières leçons - dépassent la linguistique et la sémiologie pour se présenter comme acheminement vers une science de la société et de la culture. C’est pourquoi elles sont devenues le legs commun de toutes les sciences humaines. «Bien avant de servir à communiquer, la langue sert à vivre», disait-il.( Auteur cité: Robert Maggiori, Libération du 26/04/12)

C. L'interpénétration de ces dimensions du langage doitt amener tout qui "se paye de mots" à se confronter à la démarche ( loin d'être tot. mise à plat) de l'interprétation , des conditions de sa mise en oeuvre, du "comment" la mener sans en dépasser les "limites" (Umberto Eco)...

lundi 4 février 2013

Rappel .... Réel et/dans fiction

Rappel : pour bcp de structuralistes, le texte est «  un monde en soi », auto-suffisant, « coupé » parce que  déformant/mensonger, du monde réel ( d’où l’hypothèse d’un « métatxt fait de ts les textes, avec ses territoires et ses banlieues, domaines parallèles voire antagonistes, comme par exemple la paralittérature et ses « sous » genres, le polar et autres,…)
Dans cette tradition, le texte nous ment sur le monde, pire l’occulte : le texte fait écran à une perception critique, l’histoire ns séduit, les personnages ns subjuguent ( l’épouvantable identification ! ) et nous voilà mené en bateau sur les méandres, pleins de piranhas, de l’ imaginaire…

Selon une autre doxa, le texte est « œuvre ouverte », susceptible de toute/n’ importe quelle lecture : le lecteur est souverain ( vox populi ), à chacun son sens ( comme à chacun son avis, son opinion, ses pulsions «  au-delà du bien et du mal »…)
Mais l’instinct est grégaire, le sens unique, la lecture de masse … le « moi »  s’installe ds/sur le texte ; stimulé, excité par lui, j’en perds tout autant le sens du réel, cette saloperie qui résiste à mes rêveries, aux illusions romanesques, qui m’oblige à respirer de l’ air impur, à boire, manger, chier… tant d’ opérations peu littéraires, au bout du conte…

Peut-être alors faudrait-il, dans la foulée de Ricoeur, Eco, Deleuze and co, considérer que les œuvres, littéraires, picturales, musicales,… traitent du réel, en parlent ; mais d’un réel déjà perçu, reformulé par l’ »auteur », qui « complique » encore les « choses » en incluant un « narrateur-personnage » qui découpe davantage les portions/ parts de réel…
D’ où une glose sans fin sur le caractère « fiable », « vraisemblable », « authentique »… d’une œuvre, au mieux lue comme représentation, au pire comme document/reflet  du réel, en tout ou en partie…
Pour « dépasser » ces commentaires, formulons l’hypothèse que ctains auteurs ( faute de mieux) INTERPRETENT leur portion de réel ( plus « part du diable » qu’ « œuvre de Dieu  »), socio-historiquement déterminée.
Et peut-être ctains auteurs de polar en sont-ils davantage conscients, leur pers , stt ds le roman noir, récit par excellence de la DESILLUSION, étant d’abord des interprétants : face à une énigme, au double-jeu des indices, au(x) présumé(s) coupable(s), aux pseudo-témoins,… le flic/ privé DOIT décoder, réinterpréter, supputer, …en quête d’une solution, d’un dénouement, souvent partiel…
Foncièrement, un auteur de polar est jusqu’au cou dans l’interprétation…
Mais Manchette était aussi TRADUCTEUR, et ce travail était pour lui une mission quasi sacrée ( certaines « notes noires » en témoignent indubitablement…)
Conscient de la traîtrise du discours narratif sur le réel, Manchette en propose une apprche autrement prudente que nombre de nos auteurs : il y a là assurément une piste de RELECTURE…
Mettre à jour les procédures de cette « mission » de l’écrivain/interprète, tenter de discerner ce qu’elle sauve, garde et nous offre de cette part du réel,  nous en donne à lire/voir/savoir, nous en cache éventuellement, consciemment ou inconsciemment…
Manchette en savait quelque chose, des enjeux de la mise-en-intrigue ( Ricoeur ), et il « en a bavé » ; aux lecteurs/trices que ns sommes de reconsidérer l’œuvre comme « lecture active » d’un réel complexe, action en partie littéraire/esthétique, mais aussi socio-politique, donc MORALE : car il n’y a plus depuis lurette d’ INNOCENCE de l’art …
Entre intrigue et Histoire : Manchette ,sans doute, cherchait à fusionner ces deux aspects de tout récit, ; c’est sans doute encore une des obsessions de « La Princesse du Sang », préparée  par le voyage à Cuba d’un homme malade, prêt à payer de sa personne comme le Zola de « Germinal », le Hugo des « Misérables », Le Orwell des récits de Londres, le Dickens d »Oliver Twist »…
Manchette, tout au long des premiers chapitres des « Gens du Mauvais Temps », nous donne à lire une tripotée de notices historiques, fruits de tout sauf du hasard…
Pas plus qu’il n’y a de pur hasard dans l’odyssée de Bardamu ou l’abandon burlesque des hurlu-perdus de Beckett…
A nous, lecteurs/lectrices de prolonger l’œuvre : Ivy éclaire nos pas, la torche au poing, … filin de jour dans les ténèbres du chaos, étincelle d’ aventure dans les recoins des « Cargos du Crépuscule »…
Mais nous délirons quelque peu… Entretenons seulement les derniers feux de la lecture ; c’est aussi notre DEVOIR de « lumpenintellectuels » critiques : contre les mercenaires ou illuminés qui boutent le feu aux bibliothèques , contre ceux stt qui les payent en dollars ou vierges de paradis, à nous de lire et de gueuler, de lire et relire et gueuler encore, à contre-sens…  « It’s the price to pay »…

L’ interprète (1)


De la représentation comme interprétation

Objet : comme pas mal d’auteurs, mais plus que certains, J P Manchette ( consciemment ou inconsciemment ) fait plus que représenter : il interprète certains aspects du monde / réel  du/des lecteurs, donc le mien, le tien – le nôtre…

Rappel : pour beaucoup de structuralistes, le texte est «  un monde en soi », auto-suffisant, «  coupé » parce que  déformant/mensonger, du monde réel ( d’où l’hypothèse d’un « métatexte fait de tous les textes, avec ses territoires et ses banlieues , domaines parallèles voire antagonistes , comme par exemple la paralittérature et ses « sous » genres, le polar et autres,…)
Dans cette tradition , le texte nous ment sur le monde, pire l’ occulte : le texte fait écran à une perception critique, l’histoire ns séduit, les personnages ns subjuguent ( l’épouvantable identification ! ) et nous voilà mené en bateau sur les méandres, pleins de piranhas, de l’ imaginaire…

Selon une autre doxa, le texte est « œuvre ouverte », susceptible de toute/ n’ importe quelle lecture : le lecteur est souverain ( vox populi ), à chacun son sens ( comme à chacun son avis, son opinion, ses pulsions «  au-delà du bien et du mal »…)
Mais l’instinct est grégaire, le sens unique , la lecture de masse … le « moi »  s’installe ds/sur le texte ; stimulé, excité par lui, j’en perds tout autant le sens du réel, cette saloperie qui résiste à mes rêveries, aux illusions romanesques, qui m’oblige à respirer de l’ air impur, à boire, manger , ch… tant d’ opérations peu littéraires, au bout du conte…

Peut-être alors faudrait-il, dans la foulée de Ricoeur, Eco, Deleuze, considérer que les œuvres, littéraires, picturales, musicales,… traitent du réel, en parlent ; mais d’un réel déjà perçu, reformulé par l’ "auteur ", qui « complique » encore les « choses » en incluant un « narrateur- personnage » qui découpe davantage les portions/ parts de réel…
D’ où une glose sans fin sur le caractère « fiable », « vraisemblable », « authentique »… d’une œuvre, au mieux lue comme représentation, au pire comme document /reflet  du réel, en tout ou en partie…

Pour « dépasser » ces commentaires, formulons l’hypothèse que certains auteurs ( faute de mieux) INTERPRETENT leur portion de réel ( plus « part du diable » qu’« œuvre de Dieu  »), socio-historiquement déterminée.

Et peut-être certains auteurs de polar en sont-ils davantage conscients, leur pers , surtout ds le roman noir, récit par excellence de la DESILLUSION, étant d’abord des interprétants : face à une énigme, au double-jeu des indices, au(x) présumé(s) coupable (s), aux pseudo-témoins,… le flic/ privé DOIT décoder, réinterpréter, supputer, …en quête d’une solution, d’un dénouement, souvent partiel…
Foncièrement, un auteur de polar est jusqu’au cou dans l’interprétation…
Franck Bv))

jeudi 24 janvier 2013

"Repiqué' au site de Antoine Gimenez... 
Les Héros de Budapest.... Et les contradictions de l'interprétation...
C’est l’histoire d’un cliché légendaire de Paris-Match, une icône du photojournalisme et de la révolution hongroise de 1956. Qui était ce couple de jeunes gens révoltés ? Qui les a photographiés ? Que sont-ils devenus ? Les Héros de Budapest sont le récit de six ans de traque sur trois continents pour rassembler les pièces d’un mystère historique aux multiples ombres et facettes : le destin poignant des personnages ; le baroud des photoreporters à Budapest en pleine insurrection ; le sort contradictoire d’une image devenue à l’Ouest emblème de l’héroïsme et à l’Est caricature des « houligans ».
Ce reportage rigoureux et inclassable, romantique et prenant, est riche d’une iconographie inédite. Il rend hommage à ces Gavroches des faubourgs ouvriers de Budapest qui bravèrent les blindés de l’Armée rouge. Il fait revivre au lecteur la destinée inouïe d’une jeune rebelle bravache et magnétique, dont la vie aura été bouleversée par une photo. (252 pages format album, 300 illustrations) Editions : Les Arènes. 3 rue Rollin. 75005 Paris. Tel : 01 42 17 47 80. Fax : 01 43 31 77 97. Mail : arenes@arenes.fr
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Extrait de « Budapest 1956 : un printemps assassiné », article paru dans Le Monde des Livres, le 27 octobre.
Deux beaux livres, tous deux magnifiquement illustrés, permettent de revivre au plus près le drame de ce rêve brisé. (…) Le plus étonnant et le plus original reste Les Héros de Budapest. Ou comment le journaliste français Phil Casoar et sa complice, l’historienne hongroise Eszter Balasz, eurent l’idée, à la fin des années 1990, de retrouver les deux protagonistes d’une photo prise pendant l’insurrection et attribuée à tort à Jean-Pierre Pedrazzini, le photographe vedette de Paris Match, mort des suites de ses blessures le 7 novembre 1956.
Cette photo fit le tour du monde. On y voit un garçon et une fille à peine sortis de l’adolescence. Lui, le regard doux et la mitraillette en bandoulière, fait un peu penser à James Dean. Elle, blessée, porte un pansement à la joue. Mais qui étaient-ils ? Que leur est-il arrivé ensuite ? Le livre raconte les six années d’enquête qu’il a fallu aux coauteurs pour percer le mystère de ce couple emblématique, promu au rang d’icône révolutionnaire. Une folle et passionnante épopée qui les conduira jusqu’au Canada et en Australie, et dont on suit avec un intérêt croissant les multiples rebondissements, tous plus inattendus les uns que les autres. Par son graphisme, remarquable, mais aussi par la qualité du texte, ce livre inclassable tient à la fois du reportage, du document, de la recherche historique et de l’art du portrait, le tout enchâssé dans une iconographie incroyablement riche - plan pliable du Budapest de 1956, photos en couleurs et en noir et blanc, reproductions de journaux et d’affiches de l’époque, fac-similés de divers documents retrouvés aux archives… Au-delà, il jette une extraordinaire lumière sur ces milliers de gavroches des faubourgs dont beaucoup n’avaient pas encore 15 ans. Un superbe hommage aux héros méconnus de cette tragique "révolution des enfants". Alexandra Laignel-Lavastine
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 Il y a cinquante ans, l’insurrection de Budapest. Photo légendée. Le cliché d’un jeune couple, pris à la volée le 30 octobre 1956 à Budapest, fit le tour du monde. Cinquante ans après, un livre enquête sur ce que sont devenus les deux « héros » de l’insurrection hongroise. Il en ressort une image nettement plus floue. Par Gérard LEFORT, LIBÉRATION : Mardi 17 octobre 2006.
 Budapest, le mardi 30 octobre 1956 au matin. Il fait froid et gris, mais, dans les rues de la capitale hongroise, la chaleur de la liberté retrouvée brûle de mille feux. Depuis une semaine, ce qu’on appellera « l’insurrection hongroise » bat son plein. La statue de Staline a été mise à bas, des conseils ouvriers ont pris le contrôle des usines et organisé la grève générale, Janos Kádár, tout juste nommé premier secrétaire du parti communiste, annonce aussitôt sa dissolution et le retour au système du multipartisme. Quant aux blindés soviétiques, entrés dans Budapest le 24 octobre à la demande des autorités communistes, ils évacuent la ville, comme floués par la vindicte populaire. Ne restent que leurs sbires, les agents du KGB local, l’AVH, retranchés dans l’immeuble du parti, place Köztarsasag, qui mitraillent tout ce qui bouge, révoltés et secouristes.
Dans la foule, Gyuri et Jutka sont deux jeunes insurgés qui font le coup de feu contre les Soviétiques et leurs épigones, deux jeunes qui y croient. C’est dangereux de traîner en ville, c’est excitant aussi, c’est la Révolution. Devant les grilles du Musée national de Budapest, Jean-Pierre Pedrazzini, photographe vedette de Paris Match, dépêché sur place pour « couvrir les événements », demande à Gyuri et Jutka de s’arrêter, de prendre la pose : la jeune fille sourit, le jeune homme a la moue boudeuse et le fusil en bandoulière.  Dix jours plus tard, le portrait du couple est publié sur une double page en ouverture du reportage. Il fera le tour du monde. « Les héros de Budapest », a titré Paris Match . « Les martyrs », aurait-on pu sous-titrer. Car, entre-temps à Moscou, Khrouchtchev, changeant radicalement d’avis sur la question hongroise, a décidé de lâcher sur Budapest les hordes du pacte de Varsovie. Chars, aviation, artillerie lourde, arrestations, purges, déportations, exécutions. Un mois suffit. Fin novembre 1956, le rideau de fer est retombé sur la Hongrie.
C’était il y a presque cinquante ans. Un anniversaire mélancolique, puisque les Hongrois durent patienter trente ans avant d’être libres. Un anniversaire funèbre, quand on sait que l’écrasement de la Hongrie par une armée Rouge fractura pas mal de consciences dans le communisme occidental (sans parler de celles du PCF), mais qu’à de rares exceptions, cette fracture fut bientôt réduite et tout le monde repartit, l’âme lourde mais le pied léger. Et Gyuri et Jutka, les beaux héros d’un jour ? Qui étaient-ils ? Que sont-ils devenus ? Phil Casoar et Eszter Balazs ont décidé que tout un livre (1) n’était pas de trop pour s’en soucier. C’est leur façon d’allumer une bougie. On pourrait contester cette méthode, la juger anecdotique ­ n’était que ce ne sont pas les auteurs qui ont choisi la lorgnette, ni le bout par lequel la tenir.
Pour eux comme pour nous autres lecteurs, tout commence et recommence par la scrutation inlassable d’une photographie en noir et blanc qui, dès le premier coup d’oeil, déborde de romanesque : elle, la fille, avec son pâle sourire, son cache-nez à la diable, sa sacoche à craquer, son brassard à croix rouge et le bricolage de pansements qui lui barre la joue. Lui, le gars aux yeux clairs, plus réservé, avec ses sourcils froncés, son manteau et un fusil trop grands pour lui, son galure d’avant-guerre. Deux chiffonniers adorables, deux gitans de l’insurrection, une mythologie en acte qui vaut pour tous les damnés révoltés de la vieille Europe, des bolchos de Saint-Pétersbourg aux braves de Belfast, des anars de la guerre civile espagnole à l’armée des ombres de la Résistance française. Gyuri et Jutka, leurs enfants naturels, nos frères et soeurs radieux. En route pour le poster, parés pour l’icône. Qu’ils sont devenus tous azimuts, puisque leur célébrité photographique a fini par servir la police hongroise chargée de l’épuration, qui fit de leur portrait trafiqué une image de propagande, la preuve visible que l’insurrection de 1956 avait été le fait de « voyous contre-révolutionnaires ». Héros sacrifiés, figures princières de la Révolte… Un auteur officiel et un véritable photographe Sauf que pas tout à fait. A l’instar du genre humain, pluriel et singulier, l’image va s’avérer nettement plus floue. Le livre les Héros de Budapest jette pas mal d’eau froide sur le romantisme imprudemment enflammé. C’est son premier bénéfice. Mais, ce faisant, il relance d’autant la machinerie romanesque quand, s’obsédant d’une photo prise à la va-vite le 30 octobre 1956, il va découvrir que bien d’autres images, tant d’histoires, sont nichées derrière cette vitrine des visages adolescents. Sept ans de recherches en arborescence, de la Hongrie à l’Australie, en passant par la Suisse, le Canada, l’Italie. Sept ans d’un mandarinat ascétique, où rien n’est écrit ni produit qui ne soit vérifié, recoupé, mis à l’épreuve des contradictions, des fausses pistes, des zones d’ombre, pièce à pièce, documents en main. Une machine à remonter le temps et un voyage dans l’espace. C’est une autre époque qui surgit.
Par exemple sur le cas du photojournalisme tel qu’il se pratiquait en ces temps encore pionniers. Voilà que l’on apprend, première sidération, que l’auteur officiel de la fameuse photo, Pedrazzini, dit Pédra, grièvement blessé quelques heures après l’instantané, et bientôt mort suite à son rapatriement à Paris, n’en est pas l’auteur. Après vérifications aux archives de Paris Match et confirmation-imprimatur d’un Roger Thérond (directeur de Match ) mourant, le véritable photographe s’appelait Russ Melcher ­ un photographe américain indépendant, lui aussi présent à Budapest en octobre 1956. Pourquoi ce tour de passe-passe ? Parce que la photo d’un reporter mort « au front » de l’information se vendait mieux. Mais aussi, de la bouche même de Russ Melcher, pour des raisons moins marchandes. « Dans le métier, je n’ai jamais joué le héros national. J’étais un grossiste : du moment que les gens avec qui je travaillais savaient que la photo était de moi, le reste je m’en foutais. Et c’était ma façon de rendre hommage à Pedrazzini… » Du compagnonnage en somme.
D’autres fières surprises nous attendent, concernant cette fois l’identité des deux jeunes gens. La fille surtout, puisque à son propos les pistes se dessinent vite ­ on apprend son nom complet, Jutka Sponga, née le 29 octobre 1937 ­ et les témoignages affluent : Jutka quitte la Hongrie au lendemain de l’insurrection, se réfugie en Suisse, via l’Autriche, y devient ouvrière dans une usine textile, émigrera finalement en Australie dans les années 60, se mariera, aura des enfants mais mourra trop tôt (trop tard ?), d’un cancer le 27 mai 1990. Cette impasse qui en aurait découragé plus d’un (la nouvelle tombe à la page 83 du livre, qui en comporte 250) relance au contraire la traque. D’où ressort un portrait pour le moins cubiste de la jeune Jutka : certes révolutionnaire ardente pour quelques jours d’octobre 1956, mais aussi, dès son enfance, une fière-à-bras, une tatouée, fille des rues, de prolos, une dessalée qui n’avait pas attendu les événements de 1956 pour s’insurger au gré de ses nombreux vagabondages, même si la mort de son petit frère Feri, fauché par des balles rouges dans les premiers jours de la révolte, l’aura déterminée dans sa rage contre l’occupant russe. Descendue de son piédestal de « petite starlette de la révolution hongroise », Jutka Sponga n’en demeure pas moins attachante et, à sa façon, héroïque, si l’on songe qu’un autre de ses frères était officier de la police politique du régime communiste. Suivant la vie réanimée de Jutka Sponga, le livre se promène par bien des chemins de traverse, qui ne sont pas des égarements mais des détours nécessaires. Tout est possible concernant ce jeune Gyuri au physique de DiCaprio Ainsi, lorsque, à l’occasion d’un pèlerinage dans le quartier natal de Jutka, paraît en filigrane une vue de Csepel-la-Rouge, fief ouvrier de Budapest regroupé autour d’un combinat sidérurgique. Rencontres, entretiens, photos exhumées : on comprend alors intimement à quoi ressemblait un morceau du paradis socialiste au milieu des années 50. Un enfer de flicage et de délation, où perdurait cependant l’utopie d’un certain esprit ouvrier réfractaire à toute dictature. Jutka Sponga venait de ce monde perdu, il lui en était resté quelque chose : une rouspétance de délinquante, « antisociale » aux yeux du communisme officiel.
Cette enquête sur de « chers disparus » est suspendue à bien d’autres suspens inouïs : qui est ce type en trench-coat et béret sombre, revolver au poing, comme en incrustation patibulaire au second plan de la photo ? On apprendra que, de fait, il fallait s’en méfier. Dans ce contre-la-montre où les témoins meurent, ne peuvent plus parler (attaque cérébrale), ou sont donnés pour morts alors qu’ils sont vivants, au fil de cette course-poursuite dans les ruines de la mémoire où les maisons d’autrefois sont rasées, les lieux mêmes méconnaissables, d’autres photographies reparaissent ou disparaissent, d’autres figures énigmatiques se dessinent : l’homme dit « au béret blanc » qui menait la petite troupe d’insurgés dont étaient Jutka et Gyuri, avec d’autres compagnons. Et toujours, comme des cailloux blancs semés sur le chemin, le visage rémanent du garçon, le compagnon de photo de Jutka, ce jeune Gyuri au physique de DiCaprio. C’est sûrement la plus belle aventure de cette enquête qui, au moment de se refermer, s’ouvre à jamais. Tout est possible concernant Gyuri, certains sont sûrs de le reconnaître, mais tout est faux ou peu crédible. Qui croire ? Ce beau gosse aux yeux rêveurs, pendant angélique au Pedrazzini des origines, revenant rebelle à toutes les investigations, irréductible en somme, est un crève-coeur infini. On n’en saura rien, le livre se clôt sur lui en halo selon ce que Gide appellerait « l’évasion des contours ». Et les auteurs ont la belle idée, à mettre les larmes aux yeux, de passer la plume à Victor Hugo invoquant les Misérables : « Le gouffre de l’inconnu social s’était silencieusement refermé sur ces êtres. On ne voyait même plus à la surface ce frémissement, ce tremblement, ces obscurs cercles concentriques qui annoncent que quelque chose est tombé là, et qu’on peut y jeter la sonde. » Gyuri, cher ange, au revoir à jamais, adieu. (1) Les Héros de Budapest (Les Arènes, parution le 19 octobre). 252 pp., 45 €.
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L’Express du 02/11/2006 Les gavroches de Budapest par Daniel Rondeau.
C’est une photo qui prouverait, si cela était encore nécessaire, que révolte et poésie font bon ménage. Dans un numéro de Paris Match de novembre 1956, il y avait un garçon en armes et une fille avec un pansement sur la joue qui souriaient. Derrière eux, un troisième personnage, pistolet au poing. Cette image avait été attribuée à Jean-Pierre Pedrazzini, gueule d’ange, élégantissime reporter, tout en sourires et en panache, qui fut blessé à mort pendant l’insurrection de Budapest. Cette photo participa en son temps à la légende du soulèvement, quand des étudiants et des ouvriers fraternisaient sous des oriflammes où la croix de Lorraine avait remplacé l’étoile rouge. Elle inspira une couverture de Time et apparaît dans Le Petit Soldat, de Jean-Luc Godard. Sa beauté singulière, auréolée de funèbres reflets, naît de l’intensité perceptible de l’instant et de l’énigme qui recouvre les personnages.
Phil Casoar et Eszter Balázs sont partis pendant six ans à la recherche de ces deux héros de la rue hongroise. Ce qu’ils rapportent de leur quête passionnée ? Le roman des deux gavroches de 56, Les Héros de Budapest, des histoires de vies et de rêves, plus ou moins longtemps tenus sous le souffle de l’Histoire, puis abandonnés dans cette mer des surprises qu’on appelle le quotidien. Phil Casoar tient d’une plume vive ce journal de six ans. Son récit, illustré de photos et de croquis, se dévore comme un livre d’aventures modernes, avec des tragédies, des disparitions, d’innombrables surprises, des révélations, des quiproquos, et même quelques vieux airs de rock’n’roll (Elvis Presley 1956). Chemin faisant, nos deux enquêteurs se font des amis nouveaux, découvrent ce qu’ils ne cherchaient pas, l’ambiance des bas quartiers sur les rives du Danube, la librairie genevoise d’un ancien assistant de Godard, les eucalyptus de la banlieue de Melbourne, les passions enchaînées. Leur Toison d’or, c’est la poussière du temps, où s’impriment souvenirs et regrets. Des ombres passent. Des mystères demeurent. L’émotion ne les quitte pas pendant tout ce voyage. Victor Hugo semble parfois cheminer à leurs côtés, celui des Misérables, qui s’intéressait aux êtres tombés « dans le gouffre de l’Inconnu social ». Phil Casoar était parti pour nous raconter l’histoire d’une photo, et il nous dit comment les hommes vivent. Applaudissements.
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Les enfants perdus de Budapest
Il arrive qu’une photo capte la vérité d’un instant jusque dans ses moindres recoins de rage, de bonheur et de doute. Ce faisant, elle en fixe pour toujours la légende, cette légende qu’aucun mensonge d’Etat ne parviendra jamais à recouvrir tout à fait. “ Si l’image n’est pas bonne, disait Robert Capa, c’est que le photographe n’est pas assez près de l’événement. ” À jamais, celle de son milicien fauché par une balle franquiste restera emblématique de cette guerre d’Espagne qu’il photographia de front en front. Qu’elle fût prise sur le vif ou mise en scène, comme on l’a dit, ne change rien à l’affaire : sa force réside dans la prémonition de la chute.
C’est d’une photo, tout aussi emblématique, que sont partis Phil Casoar ([1]) et Eszter Balázs pour nous raconter, à leur manière, résolument originale, davantage que l’insurrection hongroise d’octobre 1956, l’entrelacs d’humaines passions, d’espoirs meurtris et de vraies déveines que vécurent ses combattants les plus déterminés, mais aussi les plus fragiles, ces jeunes émeutiers prolétaires et sous-prolétaires de Budapest armés de peu pour s’opposer aux blindés de l’Armée rouge. Cette photo ­- faussement attribuée à Jean-Pierre Pedrazzini, reporter photographe gravement touché au cours des combats et qui devait mourir, le 6 novembre 1956, à Paris, des suites de ses blessures - fut publiée, avec d’autres, dans le Paris-Match du 10 novembre de la même année, sous le titre : “ Les héros de Budapest ”. Un jeune garçon, armé d’une mitraillette russe PPSH-43, et une jeune fille, coiffée d’un béret et portant un pansement sur la joue droite, fixent l’objectif avec, dans le regard, cet air de défi tranquille qui donne aux insurgés cette beauté si particulière ; derrière eux, un moustachu en imper mastic tenant pistolet jette un trouble, comme une figure du malheur planant sur un rêve de liberté conquise.
Cette photo, montrée telle quelle ou recadrée, est devenue, au gré du temps, une icône de l’Octobre hongrois. Elle servit autant à saluer la jeunesse et la fougue de ses combattants qu’à les assimiler à la “ pègre ”, quand les plumitifs kadariens s’en servirent pour illustrer leur prose policière. Dans un cas comme dans l’autre, la photo disait ce qu’on voulait lui faire dire de cet instant convulsif où Budapest et la Hongrie crevèrent, du seul fait de se lever, la bulle du mensonge post-stalinien réincarné dans le khrouchtchévisme.
Il fallait une bonne dose de folie à nos auteurs pour se lancer - “ d’abord en dilettantes ”, puis “ avec un acharnement grandissant ” - sur la trace des personnages de cette photo mythique. Six ans d’un travail obstiné, à défaire le vrai du faux, à contourner les obstacles, à éviter les fausses pistes, à traquer l’hypothétique, à résister à l’emballement comme au découragement. Six ans à arpenter cinq pays et trois continents pour percevoir, enfin, derrière ces silhouettes figées dans la pellicule, ce qui les poussa à agir, ce qui les anima de l’ardent désir de vaincre, mais aussi ce qu’elles devinrent. Six ans d’une enquête minutieuse et épuisante, en somme, pour rendre à cette image son poids d’histoire, collective et privée, celle-là même que les livres du genre, redondants de savoir mort, peinent tant à restituer.
On ne dira rien de plus de cette incroyable enquête. Pour la simple raison que tout le plaisir de la lecture réside dans la découverte, et qu’on espère bien, par ces lignes, inciter le lecteur à se plonger dans cette “ aventure épatante et véridique ” de ces deux “ héros de Budapest ” portés par le vent de l’histoire, puis abandonnés au jusant des défaites. On ne dira que leurs prénoms. Le jeune garçon à la belle gueule de loustic des rues s’appelait Gyuri ; la jeune fille à l’air crâne, Jutka. Ils étaient à peine sortis de l’adolescence ; ils avaient faim de liberté. On ajoutera que la photo qui les immortalisa n’était pas de Jean-Pierre Pedrazzini, mais de Russ Melcher, un photographe free lance américain définitivement dépourvu du sens de la propriété. On précisera, enfin, que tout cela est peu de chose comparé à ce que nous donne à comprendre et à penser ce livre inclassable, aussi riche par la qualité de son texte que par son iconographie et son graphisme.
En ces temps de commémoration, l’Octobre hongrois ­- l’autre Octobre - stimule, à travers livres et revues, la quête interprétative. De cette littérature, où l’intéressant côtoie l’anecdotique, un sujet demeure, pourtant, largement absent : le petit peuple des insurgés, ces prolétaires sans chefs ni programme de transition, agités du seul désir de bouter l’occupant hors des murs et de vivre un peu mieux. Révolution nationale, démocratique, sociale ? L’insurrection hongroise de 1956 fut, sans doute, de tout un peu, mais elle fut surtout une authentique explosion libertaire, et elle le fut parce que, douze jours durant, des émeutiers - qualifiés de “ fascistes ” par les staliniens du monde entier ([2]) - tinrent la rue, les armes à la main et contre toute évidence.
C’est l’immense mérite des Héros de Budapest de nous le rappeler, sans chercher, par ailleurs, à faire de ces combattants le nec plus ultra d’une conscience de classe enfin débarrassée de ses faux nez. Ils ne furent, en somme, que ce qu’ils pouvaient être, mais ils le furent pleinement, ces émeutiers de Budapest, dont la jeunesse fait immanquablement penser à celle des gavroches du Paris communard, dont l’histoire peine, là encore, à se souvenir, et qui avaient choisi de s’appeler “ Les Vengeurs de Flourens ”, “ Les Turcos de la Commune ” ou “ Les Enfants perdus du XII”.
D’une insurrection à l’autre, ces enfants perdus-là payèrent le prix fort. Grâce à Phil Casoar et à Eszter Balázs, ceux de Budapest sont enfin tirés de l’oubli.
Freddy Gomez. Le Monde libertaire, n° 1456, 23-29 nov. 2006.


[1] Rappelons que Phil Casoar est, entre autres, l’auteur et le dessinateur, avec Stéphane Callens, d’un inoubliable album - Les Aventures épatantes et véridiques de Benoit Broutchoux -, publié, en 1980, au Dernier Terrain Vague et le réalisateur, avec Ariel Camacho et Laurent Guyot, du remarquable film Ortiz, général sans dieu ni maître (1996). Il a, par ailleurs, introduit, commenté et annoté, en 1994, les Œuvres autobiographiques d’Arthur Koestler, éditées dans la collection Bouquins (Robert Laffont). Enfin, il travaille, depuis de très nombreuses années, à un livre-album très attendu, où se mêleront textes, dessins et documents, sur le Groupe international de la colonne Durruti, autour de la figure de Louis Mercier, alias Charles Ridel.
[2] “ Au-delà des fantasmes d’un retour au fascisme agités par la propagande du régime Kádár, écrivent Phil Casoar et Eszter Balázs, restent les chiffres fournis par les communistes eux-mêmes : parmi les deux cent cinquante insurgés pendus, cinq étaient d’anciens Croix-Fléchées - soit deux pour cent. ” Rappelons que, dans une forte et belle déclaration - “ Hongrie, Soleil levant ” ­- émise, en novembre 1956, par le groupe surréaliste, ­on pouvait lire : “ Les fascistes sont ceux qui tirent sur le peuple. Aucune idéologie ne tient devant cette infamie : c’est Gallifet lui-même qui revient, sans scrupule et sans honte, dans un tank à étoile rouge. ”
"No comment"            Franck S.
To' rat'!