dimanche 22 décembre 2013

Identité narrative

Pour avancer encore un peu...



doc    "Retours au récit » : Paul Ricœur et la théorie littéraire contemporaine
CNRS – Université Paris Sorbonne)
Alexandre Gefen (Centre d’étude de la langue et de la littérature française)   via "FABULA"(site
très riche de pistes de réflexion sur la littérature !!!)

"La critique littéraire du début du xxie siècle est caractérisée par ce que l’on pourrait nommer un tournant éthique. Le point d’appui central de cette revalorisation des pouvoirs moraux de la littérature, c’est le concept ricœurien d’« identité narrative » et l’idée, éminemment débattue, que la continuité du soi et la responsabilité du sujet ne peuvent être assurées que par des narrations.
 (Ainsi) la théorie de l’identité narrative fait du récit (*)un dispositif cognitif puissamment opératoire, puisque la « mise en intrigue » serait ce par quoi nous pourrions mieux " maîtriser" les discordances  empiriques et psychologiques du monde.
Qui plus est, la fiction narrative, parce qu’elle "entraîne" notre capacité mentale de refiguration, mais aussi parce qu’elle déploie un jeu complexe de variations imaginatives enrichissant et diversifiant notre rapport au temps, suggère Paul Ricœur, possède une souplesse et une finesse de saisie du particulier dont le récit historique rigide est dépourvu. Jouant un rôle essentiel dans les opérations d’ajustement que nous menons constamment entre notre univers mental et la réalité, la littérature serait « révélante et transformante  (Paul Ricœur, Temps et récit 3, p. 229 )», elle nous permettrait de réduire par des « expériences de pensée » la distance entre des paradigmes généraux et des enjeux locaux, voire à prendre conscience de l’altérité d’autrui, par simulation intellectuelle et empathie affective3.
(*) "non un espace formel autorégulé ou un moment d’un projet rhétorique, mais" ...

C’est à ce titre que la philosophie de l’auteur de Soi-même comme un autre se trouve revendiquée par les esthétiques contemporaines faisant « retour au récit » : autant, notons-le, par les écrivains enjoignant la littérature contemporaine à quitter l’impasse formaliste et à revenir dans la sphère de l’action que par certains critiques littéraires . Pour ces derniers, le bénéfice disciplinaire est considérable : faire de la théorie du récit et, plus largement, de la théorie du texte,  une charnière centrale entre la théorie de l’action et la théorie éthique(*), c’est-à-dire l’effet psychologique et social du texte , en prenant en compte à la fois le récit littéraire et le récit historique dans une narratologie étendue  et en supposant " que l’action humaine peut se lire comme un texte " ... Ce qui conduit à une formidable revalorisation de notre travail de linguistes, d’historiens, de stylisticiens, de narratologues."


Ainsi, de quoi gamberger...  Bv))




(...) "Sans le secours de la narration, le problème de l’identité personnelle est en effet voué à une antinomie sans solution : ou bien l’on pose un sujet identique à lui-même dans la diversité de ses états, ou bien l’on tient, à la suite de Hume et de Nietzsche, que ce sujet identique n’est qu’une illusion substantialiste […] Le dilemme disparaît si, à l’identité comprise au sens d’un même (idem), on substitue l’identité comprise au sens d’un soi-même (ipse) ; la différence entre idem et ipse n’est autre que la différence entre une identité substantielle ou formelle et l’identité narrative. […]
À la différence de l’identité abstraite du Même, l’identité narrative, constitutive de l’ipséité, peut inclure le changement, la mutabilité, dans la cohésion d’une vie.
Le sujet apparaît alors constitué à la fois comme lecteur et comme scripteur de sa propre vie selon le vœu de Proust. Comme l’analyse littéraire de l’autobiographie le vérifie, l’histoire d’une vie ne cesse d’être refigurée par toutes les histoires véridiques ou fictives qu’un sujet se raconte sur lui-même. Cette refiguration fait de la vie elle-même un tissu d’histoires racontées. […] L’identité narrative n’est pas une identité stable et sans faille ; de même qu’il est possible de composer plusieurs intrigues au sujet des mêmes incidents […] de même il est toujours possible de tramer sur sa propre vie des intrigues différentes, voire opposées. […] En ce sens, l’identité narrative ne cesse de se faire et de se défaire."   (  Paul Ricoeur, "Soi comme un autre, Pts-Seuil )"

>>>>>>      L’histoire façonne l’identité :
"De même qu’en littérature c’est l’intrigue qui détermine les péripéties du roman, c’est l’histoire de vie, le thème, qui façonne l’identité des gens et non l’identité qui façonnerait l’histoire. La croyance populaire voudrait que nous ayons une réalité intérieure – voire une vérité intérieure – qui serait délivrée à l’extérieur. En fait, c’est le discours que nous émettons qui fabrique la cohérence de notre histoire, et par là-même notre identité. Michael White avait coutume de dire : "A mon idée, c’est l’histoire de la vie des gens qui façonne leur vie. Ils fabriquent leur vie en conformité avec leur histoire".

La position du narrateur d’une vie en train de se vivre est réflexive, c’est-à-dire qu’il est à la fois auteur (scripteur, pour reprendre le terme de Paul Ricoeur) et lecteur (observateur constructeur du sens)....


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