mercredi 26 novembre 2014
Ce réel que dévoile le langage poétique...
Rose Goetz, « Dire l’être-à-dire : l’intrépidité ontologique de Paul Ricœur », Le Portique [En ligne], 26 | 2011, document 3, mis en ligne le 11 février 2011, consulté le 25 novembre 2014. URL : http://leportique.revues.org/2508
" (...) Ricoeur aborde un problème très particulier : celui de la métaphore. Les conceptions du langage esquissées par Ricœur dans les deux essais du Conflit des interprétations trouvent « leur centre de gravité dans le phénomène de l’innovation sémantique, autrement dit la production d’un sens nouveau par des procédures langagières » 24 : l’innovation sémantique est une création réglée. L’étude de la métaphore est entreprise pour les mettre à l’épreuve.(...) Ricœur pose que la métaphore ne consiste pas en une dénomination déviante mais en une attribution impertinente. Certes, l’écart demeure entre le sens usuel, littéral, d’un mot et son sens figuré, mais ce trope, ce détournement, est l’effet de la production prédicative de la signification, non sa cause. La métaphore rapproche des champs sémantiques incongrus, comme on le voit dans ces vers des Correspondances de Baudelaire :
La Nature est un temple où de vivants piliers
Laissent parfois sortir de confuses paroles ;
L’homme y passe à travers des forêts de symboles
Qui l’observent avec des regards familiers.
La copule "est" ne se borne pas à relier le prédicat "temple" au sujet "Nature". Elle implique que par la relation prédicative soit redécrit ce qui est. Le "est" métaphorique signifie à la fois "n’est pas" et "est comme". Le "voir comme" de l’énoncé métaphorique a pour corrélat un "être-comme" extra-linguistique, un réel que dévoile le langage poétique : « Cette transition de la sémantique à l’herméneutique trouve sa justification la plus fondamentale dans la connexion en tout discours entre le sens, qui est son organisation interne, et la référence, qui est son pouvoir de se référer à une réalité en dehors du langage » 25. C’est sur le fond de cette thèse générale que Ricœur tente une explicitation ontologique de la référence dédoublée de la métaphore poétique. Dans la Cinquième Étude de La Métaphore vive, il énonçait la possibilité que « la référence au réel quotidien doive être abolie pour que soit libérée une autre sorte de référence à d’autres dimensions de la réalité » 27. Au terme de l’ouvrage, cette possibilité se mue en fait irrécusable, comme le rappelle, en 1976, « L’imagination dans le discours et dans l’action » : « Un examen de la puissance d’affirmation déployée par le langage poétique montre que ce n’est pas seulement le sens qui est dédoublé par le procès métaphorique, mais la référence elle-même. Ce qui est aboli, c’est la référence au discours ordinaire, appliquée aux objets qui répondent à un de nos intérêts, notre intérêt de premier degré pour le contrôle et la manipulation. Suspendus cet intérêt et la sphère de signifiance qu’il commande, le discours poétique laisse-être notre appartenance profonde au monde de la vie, laisse-se-dire le lien ontologique de notre être aux autres êtres et à l’être. Ce qui ainsi se laisse dire est ce que j’appelle la référence de second degré, qui est en réalité la référence primordiale » 28.28 . Du texte à l’action, p. 221
Dans Réflexion faite, Ricœur regrette l’absence, dans La métaphore vive, d’un chaînon intermédiaire entre la référence visée par l’énoncé poétique et l’être-comme inédit que cet énoncé détecte. Ce chaînon manquant est l’acte de lecture : « c’est le monde du lecteur qui offre le site ontologique des opérations de sens et de référence qu’une conception purement immanentiste du langage voudrait ignorer » 29. Ce rôle du lecteur sera mis en évidence dans la quatrième partie de Temps et récit dont la seconde section est consacrée à la transformation de l’expérience temporelle du lecteur sous l’effet du récit. La Métaphore vive et Temps et récit ont bien des points communs, traitant tous deux de l’innovation sémantique et de la capacité du langage à « dire l’être-à-dire ». Il faut prendre acte, cependant, d’une certaine évolution de la pensée de Ricœur entre 1975 et 1983. Il porte un intérêt croissant à la notion de texte (de grande unité de discours), relie de plus en plus fortement le texte à l’action (l’action sensée peut être interprétée comme un texte) et aperçoit enfin la connexion nécessaire entre « la fonction narrative » et « l’expérience humaine du temps ». (...)
" A suivre", ben oui...
mardi 25 novembre 2014
Récits et neurones
Matière à gamberge....
- l'épigénétique ( discipline des neurosciences qui étudie l'influence de l'environnement sur la génétique) amène à penser que les événements et l'environnement peuvent modifier sur plusieurs générations les chemins neuronaux d'un individu ( synaptogenèse);
- le " néoréalisme" philo / "épistémologique" amène à penser que , outre les faits, les éléments "imaginaires" peuvent être conçus comme dotés d'une forme d'existence " dans un champ de réalité" : les licornes existent % "champ de l'imaginaire médiéval"; "Popeye" "existe % "champ narratif enfance", etc.
- si l'on considère que des éléments narratifs A et B peuvent être saisis culturellement, à une "époque donnée", comme des composants de "la réalité", on peut penser que A et B peuvent modifier sur plusieurs générations les chemins neuronaux d'un individu, voire de plusieurs, donc d'une "communauté"... On apercevrait alors, par cette fenêtre "théorique", les bases concrètes d'un concept "culturel" et symbolique comme celui d' ARCHETYPE , dév not par Jung ...
To' rat ! Bv))
- l'épigénétique ( discipline des neurosciences qui étudie l'influence de l'environnement sur la génétique) amène à penser que les événements et l'environnement peuvent modifier sur plusieurs générations les chemins neuronaux d'un individu ( synaptogenèse);
- le " néoréalisme" philo / "épistémologique" amène à penser que , outre les faits, les éléments "imaginaires" peuvent être conçus comme dotés d'une forme d'existence " dans un champ de réalité" : les licornes existent % "champ de l'imaginaire médiéval"; "Popeye" "existe % "champ narratif enfance", etc.
- si l'on considère que des éléments narratifs A et B peuvent être saisis culturellement, à une "époque donnée", comme des composants de "la réalité", on peut penser que A et B peuvent modifier sur plusieurs générations les chemins neuronaux d'un individu, voire de plusieurs, donc d'une "communauté"... On apercevrait alors, par cette fenêtre "théorique", les bases concrètes d'un concept "culturel" et symbolique comme celui d' ARCHETYPE , dév not par Jung ...
To' rat ! Bv))
jeudi 25 septembre 2014
"Déchets : scandales et gros profits", ben oui...
doc
Docu de France 3 sur les déchets: j'ai mené l'enquête. Plus on creuse, plus c'est flippant
Publié le 24-09-2014 à 19h58 - Modifié le 25-09-2014 à 08h00 Par Jacques Duplessy Reporter
LE PLUS. Dans un nouveau numéro de "Pièces à conviction", France 3 se penche sur le milieu de la dépollution. Pour "Déchets : scandales et gros profits", deux journalistes ont mené une enquête sur les dessous d'un business très lucratif. Jacques Duplessy, co-réalisateur du reportage, nous raconte.
L'usine Aprochim est accusée de polluer les sols en Mayenne. ("Pièces à conviction" - France 3)
Ce n’est pas la première fois que je travaille sur des scandales liés aux déchets. C’est un secteur particulièrement lucratif où les dérives sont fréquentes. Et les déchets concernent tout le monde puisque nous en produisons tous. Un bon sujet de documentaire, donc.
Une enquête sur plusieurs scandales
Quand je travaillais à "Ouest France", j’ai eu l’occasion de suivre l’affaire Aprochim en Mayenne. Dans cette histoire, les riverains et les salariés d’une usine ont été victimes d’une pollution au PCB, le pyralène, par la société Aprochim qui dépollue des transformateurs électriques.
Parallèlement, avec le journaliste Stéphane Girard de l’agence Tac Presse, on a gratté un peu l’histoire de la décharge de résidus de broyage automobile à Nonant-le-Pin. Là-bas, des opposants se battent pour la fermeture de cette gigantesque décharge qui pourraient polluer les sols et les eaux souterraines.
Derrière l’affaire : l’entreprise GDE, Guy Dauphin Environnement. Cette entreprise avait déjà été mise en cause il y a quelques années pour avoir enfoui 150.000 tonnes de déchets de manière illégale dans les environs de Caen. Mais GDE vient d’être relaxé grâce à la prescription.
Le scandale GDE à Nonant-le-Pin nous a donné envie de proposer un sujet pour "Pièce à conviction", combinant plusieurs histoires de dérives dans le monde de la dépollution. Ils ont dit oui en trois semaines, là où ça peut parfois mettre des mois. Ensuite on a eu un peu plus de quatre mois pour faire le film.
Soutien d’élus
Et GDE, c’est comme un film d’Hitchcock : plus on découvre, plus c’est terrifiant. La décharge n’a fonctionné que deux petits jours et ont déjà rejeté des déchets interdits, des morceaux de pneu.
Depuis un an, les opposants bloquent le lieu en espérant que la justice prenne la décision de le fermer définitivement. On a aussi montré grâce à des mails internes que GDE savait que ses déchets n'étaient pas aux normes mais qu’ils espèraient que cela passerait quand même.
L’histoire de Nonant-le-Pin est hallucinante mais GDE continue d’être soutenu par des élus locaux. Pourquoi ? Déjà parce que c’est une entreprise qui crée de l’emploi et par les temps qui courent, c’est apprécié.
Dans une scène complètement surréaliste, on voit Alain Lambert, président du conseil général de l’Orne, ne pas répondre lorsqu’on lui demande les raisons de son soutien à l’installation de la décharge. Il a toujours affirmé ne pas être intervenu en faveur de GDE. C’est un silence assourdissant.
Nous avons découvert qu’il a demandé à Nathalie Kosciusko-Morizet, alors ministre de l’Environnement, d’empêcher le préfet de s’opposer à l’installation de la décharge. Or l’enquête nous révèle que son propre directeur de cabinet était actionnaire d’une boîte de traitement de déchets en affaires avec GDE… Est-ce lié ? On peut légitimement s’interroger.
Nous avons aussi découvert l’ampleur d’une escroquerie supposée sur les déchets collectés par GDE auprès des communes. Ils manipuleraient le poids des déchets pour faire payer plus les communes.
Les élus ont refusé toutes nos interviews
J’ai été estomaqué de voir que les élus et les services de l’État refusaient systématiquement nos demandes d’interviews, sauf le maire de Nonant-le-Pin qui a accepté de nous recevoir.
Les politiques disent n’avoir à rendre des comptes qu’à leurs électeurs. Dans leur esprit, les journalistes ne servent sans doute qu’à venir à leurs conférences de presse et à faire leur com’. Quant aux services de l’État, ils ont peur de se mouiller et renvoient aux préfets qui verrouillent la communication.
Alors, comme vous pourrez le voir dans le documentaire, nous avons dû aller à l’abordage pour tenter d’avoir leurs réactions. Alain Lambert est intervenu auprès de France 3 pour tenter de ne pas apparaître dans le reportage.doc
Un bout de l’iceberg
Côté entreprises, ni GDE ni Aprochim n’ont fait pression. Aprochim a refusé de nous recevoir. GDE, après plusieurs mois d’approche, a fini par nous permettre de visiter la décharge de Nonant-le-Pin et son site de Rocquancourt. C’était une communication de crise à cause des opposants qui faisaient beaucoup de bruit et des décisions judiciaires qui ne leur sont pas toujours favorables.
Dans cette enquête, nous sommes allés de surprises en surprises. Et je suis sûr qu’on ne montre encore qu’un bout de l’iceberg.
Propos recueillis par Louise Pothier.
>> Retrouvez "Déchets : scandales et gros profits" dans "Pièces à Conviction" sur France 3 le 24 septembre 2014. Un film de Stéphane Girard et Jacques Duplessy (produit par Pac Presse)
Docu de France 3 sur les déchets: j'ai mené l'enquête. Plus on creuse, plus c'est flippant
Publié le 24-09-2014 à 19h58 - Modifié le 25-09-2014 à 08h00 Par Jacques Duplessy Reporter
LE PLUS. Dans un nouveau numéro de "Pièces à conviction", France 3 se penche sur le milieu de la dépollution. Pour "Déchets : scandales et gros profits", deux journalistes ont mené une enquête sur les dessous d'un business très lucratif. Jacques Duplessy, co-réalisateur du reportage, nous raconte.
L'usine Aprochim est accusée de polluer les sols en Mayenne. ("Pièces à conviction" - France 3)
Ce n’est pas la première fois que je travaille sur des scandales liés aux déchets. C’est un secteur particulièrement lucratif où les dérives sont fréquentes. Et les déchets concernent tout le monde puisque nous en produisons tous. Un bon sujet de documentaire, donc.
Une enquête sur plusieurs scandales
Quand je travaillais à "Ouest France", j’ai eu l’occasion de suivre l’affaire Aprochim en Mayenne. Dans cette histoire, les riverains et les salariés d’une usine ont été victimes d’une pollution au PCB, le pyralène, par la société Aprochim qui dépollue des transformateurs électriques.
Parallèlement, avec le journaliste Stéphane Girard de l’agence Tac Presse, on a gratté un peu l’histoire de la décharge de résidus de broyage automobile à Nonant-le-Pin. Là-bas, des opposants se battent pour la fermeture de cette gigantesque décharge qui pourraient polluer les sols et les eaux souterraines.
Derrière l’affaire : l’entreprise GDE, Guy Dauphin Environnement. Cette entreprise avait déjà été mise en cause il y a quelques années pour avoir enfoui 150.000 tonnes de déchets de manière illégale dans les environs de Caen. Mais GDE vient d’être relaxé grâce à la prescription.
Le scandale GDE à Nonant-le-Pin nous a donné envie de proposer un sujet pour "Pièce à conviction", combinant plusieurs histoires de dérives dans le monde de la dépollution. Ils ont dit oui en trois semaines, là où ça peut parfois mettre des mois. Ensuite on a eu un peu plus de quatre mois pour faire le film.
Soutien d’élus
Et GDE, c’est comme un film d’Hitchcock : plus on découvre, plus c’est terrifiant. La décharge n’a fonctionné que deux petits jours et ont déjà rejeté des déchets interdits, des morceaux de pneu.
Depuis un an, les opposants bloquent le lieu en espérant que la justice prenne la décision de le fermer définitivement. On a aussi montré grâce à des mails internes que GDE savait que ses déchets n'étaient pas aux normes mais qu’ils espèraient que cela passerait quand même.
L’histoire de Nonant-le-Pin est hallucinante mais GDE continue d’être soutenu par des élus locaux. Pourquoi ? Déjà parce que c’est une entreprise qui crée de l’emploi et par les temps qui courent, c’est apprécié.
Dans une scène complètement surréaliste, on voit Alain Lambert, président du conseil général de l’Orne, ne pas répondre lorsqu’on lui demande les raisons de son soutien à l’installation de la décharge. Il a toujours affirmé ne pas être intervenu en faveur de GDE. C’est un silence assourdissant.
Nous avons découvert qu’il a demandé à Nathalie Kosciusko-Morizet, alors ministre de l’Environnement, d’empêcher le préfet de s’opposer à l’installation de la décharge. Or l’enquête nous révèle que son propre directeur de cabinet était actionnaire d’une boîte de traitement de déchets en affaires avec GDE… Est-ce lié ? On peut légitimement s’interroger.
Nous avons aussi découvert l’ampleur d’une escroquerie supposée sur les déchets collectés par GDE auprès des communes. Ils manipuleraient le poids des déchets pour faire payer plus les communes.
Les élus ont refusé toutes nos interviews
J’ai été estomaqué de voir que les élus et les services de l’État refusaient systématiquement nos demandes d’interviews, sauf le maire de Nonant-le-Pin qui a accepté de nous recevoir.
Les politiques disent n’avoir à rendre des comptes qu’à leurs électeurs. Dans leur esprit, les journalistes ne servent sans doute qu’à venir à leurs conférences de presse et à faire leur com’. Quant aux services de l’État, ils ont peur de se mouiller et renvoient aux préfets qui verrouillent la communication.
Alors, comme vous pourrez le voir dans le documentaire, nous avons dû aller à l’abordage pour tenter d’avoir leurs réactions. Alain Lambert est intervenu auprès de France 3 pour tenter de ne pas apparaître dans le reportage.doc
Un bout de l’iceberg
Côté entreprises, ni GDE ni Aprochim n’ont fait pression. Aprochim a refusé de nous recevoir. GDE, après plusieurs mois d’approche, a fini par nous permettre de visiter la décharge de Nonant-le-Pin et son site de Rocquancourt. C’était une communication de crise à cause des opposants qui faisaient beaucoup de bruit et des décisions judiciaires qui ne leur sont pas toujours favorables.
Dans cette enquête, nous sommes allés de surprises en surprises. Et je suis sûr qu’on ne montre encore qu’un bout de l’iceberg.
Propos recueillis par Louise Pothier.
>> Retrouvez "Déchets : scandales et gros profits" dans "Pièces à Conviction" sur France 3 le 24 septembre 2014. Un film de Stéphane Girard et Jacques Duplessy (produit par Pac Presse)
vendredi 19 septembre 2014
txt repiqué : ... la pensée de Ricoeur en ce qui concerne le récit.
txt la pensée de Ricoeur en ce qui concerne le récit.
+ certaines remarques sur l’articulation du récit historique et du récit de fiction ...
Pierre Campion
Février 2000. Intervention à l'IUFM de Rennes pour un stage de formation de professeurs de Philosophie et de Lettres.
© Pierre Campion.
A - La Configuration dans le récit de fiction
« L’histoire et le récit » (vol. I) : la configuration du temps dans le récit historique ;
1 - « Élargir la notion de mise en intrigue »
On est ici devant un fait, dans l’histoire du récit : sa diversification et même, à l’ère contemporaine, sa disparition.
Tout le travail de Ricœur consiste ici à montrer que l’intrigue ne s’efface pas, que l’avènement du roman comme forme sans forme et « la fin de l’art de raconter » ne signifient pas la fin de la mise en intrigue.
Car, d’une part, si l’on ne réduit pas l’intrigue au simple fil de l’histoire, l’histoire littéraire manifeste plutôt « un surcroît de raffinement dans la composition, donc l’invention d’intrigues toujours plus complexes et, en ce sens, toujours plus éloignées du réel et de la vie » (25). Et, d’autre part, l’éclatement même du récit chez nos contemporains signifie de nouvelles formes de clôture des œuvres, celles qui conviennent à des œuvres essentiellement problématiques : jeux ironiques avec les attentes du lecteur, mises en évidence de la crise du sens dans des œuvres critiques, dialectique de l’arbitraire et de la nécessité au sein des fictions…
Bref, de manière significative, et par un de ces postulats (un de ces passages en force ?) dont Ricœur a le secret[1] :
Peut-être faut-il, malgré tout, faire confiance à la demande de concordance qui structure aujourd’hui encore l’attente des lecteurs et croire que de nouvelles formes narratives, que nous ne savons pas encore nommer, sont déjà en train de naître, qui attesteront que la fonction narrative peut se métamorphoser, mais non pas mourir. (48)
2 - « Approfondir la notion de mise en intrigue »
Ici la confrontation se fait avec Propp, Bremond et Greimas, dans le but de montrer que l’intelligence narrative [du temps] ne saurait se réduire à « la rationalité revendiquée par la sémiotique narrative ».
L’enjeu, clairement, consiste à recourir à ces perspectives pour établir l’existence de structures des fictions (entendons de configurations narratives) mais à démontrer qu’elles sont insuffisantes, en tant qu’elles les coupent de toute refiguration.
Autrement dit, de même que les théories positivistes de la linguistique ne sauraient épuiser les fonctions relationnelles du langage, de même l’intelligence sémiotique des récits ne peuvent épuiser leur signification humaine pratique.
3 - « Enrichir la notion de mise en intrigue » : les jeux avec le temps
Ici on va encore plus avant dans la considération du récit de fiction. Ricœur interroge successivement :
- les grammaires des temps du verbe dans le récit que proposent Benveniste, Hamburger, Weinrich, en tant que ces linguistes distinguent des niveaux de passé, des aspects des temps, des jeux ainsi rendus possibles au sein des énoncés qui impliquent le temps ;
- la distinction entre temps du récit et temps raconté que proposent G Müller et Genette ;
- la distinction entre énoncé et énonciation (toujours Genette) ;
- les notions de point de vue et de voix narrative (divers, dont Ouspenski et Bakhtine).
L’enjeu ressemble au précédent. Mais il s’agit cette fois de creuser au sein de la rhétorique du discours narratif (ou si l’on veut de la poétique du récit) une opposition propre à fonder des actes du récit adressés aux opérations de lecture que Ricœur appellera refigurations.
Là encore, le recours s’adresse à toutes les sortes de formalismes aptes à décrire les configurations du narratif, pourvu qu’on les entende comme des opérations effectuées sur l’expérience réelle du temps réel et non comme des traits isolables objectivement.
Conclusion : deux observations sur cette approche des œuvres
Le terme d’approche est à prendre dans les deux sens de l’expression et de l’image : Comment (par quel cheminement) Ricœur va-t-il aux œuvres de la littérature ? Comment (sous quelles perspectives) les travaille-t-il ?
a) Le parcours entre les disciplines
On part de l’histoire littéraire, on passe par les disciplines de la linguistique, de la sémiologie, de la narratologie.
On approche donc de plus en plus les réalités de la narration, le nom et la pensée de Genette jouant un rôle particulier et crucial. C’est le travail d’une poétique moderne référant elle-même à Aristote, fondée sur les sciences du langage et la sémiologie. C’est le passage vers Proust.
b) L’équilibre entre deux exigences
À chaque fois, mais avançant vers une approbation plus grande, Ricœur recourt à telle discipline, identifiée sous les noms de tel et tel auteur, et la critique.
De manière constante et significative, il demande un point de vue et une méthode, qui est celui d’une histoire des formes narratives, d’une technique d’analyse des phénomènes narratifs, d’une typologie de ces phénomènes, d’une rhétorique, d’une poétique… Et, d’autre part, il récuse la dimension de ces recours comme trop restreints et comme évacuant en général « l’expérience narrative du temps ». Exemples éventuellement à citer : le travail sur Greimas[2], celui sur Stanzel (une discussion, 137-138 : sa typologie est intéressante, mais elle reste abstraite, elle ne se situe pas dans la perspective des lecteurs de fictions), et celui sur Ouspenski (une interprétation, 143).
B - Le travail sur les trois œuvres, et notamment sur celle de Proust
Moment important pour notre propos ici, moment principal même, où l'on va voir Ricœur analyser trois récits : Mrs Dalloway de Virginia Woolf, Der Zauberberg de Thomas Mann, À la recherche du temps perdu de Proust.
Il s’agit donc suivant la formule du préambule d’« ouvrir sur le dehors la notion de mise en intrigue ». Mais bien sûr, sur un dehors particulier, celui des œuvres de fiction et, par lui, par elles, sur le dehors de l’expérience du temps réel, préfigurations et refigurations.
1 - Les notions de ce travail
Deux notions fondamentales, celle de « monde du texte » et celle d’« expérience fictive du temps »
Ces deux notions figurent dès le préambule (14-15). Elles sont annoncées et élaborées avant l’étude des trois œuvres (150), notamment dans le chapitre 3 des jeux avec le temps. Elles expriment ce qu’on pourrait appeler les paradoxes de Ricœur.
La notion du « monde de l’œuvre »
Un monde comme le monde réel, c’est-à-dire fictif, à l’imitation du monde réel.
Cette déclaration suppose l’autonomie de l’œuvre, et notamment la distinction entre l’auteur et le narrateur (si importante dans l’étude sur Proust et clairement affirmée pour Woolf, 152 et pour Mann, 170) et l’intégration dans l’œuvre de toute pensée sur elle-même, sous le nom de « point de vue ».
Ainsi cette déclaration :
- fonde évidemment les analyses structurales, tout en permettant d’échapper à la clôture qu’imposerait « la raison sémiologique ». Car l’œuvre est un monde, non un système.
- fonde aussi l’idée d’une création, d’une nouveauté radicale (112) : les œuvres offrent aux humains une expérience nouvelle du temps, une intelligence narrative inédite. Ce qui n’est pas sans rapport avec la qualité suivante…
- institue dans l’œuvre une capacité dynamique de « retentissement » à l’égard du lecteur. En effet, celle-ci « projette » devant elle « la pro-position d’un monde susceptible d’être habité » (150-151). Elle exerce donc une action sur son lecteur. En un mot, elle lui ouvre la possibilité de refigurations, et même elle l’y oblige[3].
La notion de « l’expérience fictive du temps »
Ou encore, selon le titre même du chapitre 4, « l’expérience temporelle fictive ». (151)
Sa définition, dans la conclusion (233) : « Par expérience fictive, nous avons entendu une manière virtuelle d’habiter le monde que projette l’œuvre littéraire en vertu de son pouvoir d’auto-transcendance. »
Son importance : « […] la notion d’expérience fictive du temps, vers laquelle nous faisons converger toutes nos analyses de la configuration du temps par le récit de fiction […] » (131)
Il faut bien se représenter le caractère paradoxal et, aux yeux de Ricœur activement aporétique, d’une telle expression.
Se rencontrent ici quatre traits, plus ou moins explicites :
1 - l’affirmation d’une réalité extérieure du temps, réalité rigoureusement « insignifiante » au sens littéral, à peine dénommable par le mot du temps et probablement le fait de la réalité elle-même, extérieure, irréductible, inhumaine[4] ;
2 - la capacité humaine de vivre, penser, habiter humainement cette réalité même : il n’est de « temps humain » que fictif, c’est-à-dire configuré par l’activité mimétique ;
3 - la nature dialectique, de quelque côté qu’on la considère, de la mise en œuvre de cette capacité : unissant et conditionnant mutuellement la nature nécessairement fictionnelle de ces opérations poétiques et le caractère d’expérience de ces opérations, dès leur élaboration minimale (les préfigurations) et jusqu’à la réappropriation, ouverte à tous, des configurations les plus élaborées à travers les refigurations.
4 - enfin justement la nature absolument innovatrice de ces expériences (151-152), c’est-à-dire l’apport qu’elles produisent à l’égard des expériences des préfigurations. Chaque monde d’œuvre enrichit, de manière fictive, par « variations imaginatives » l’expérience humaine imaginaire du temps (au passage : thème proustien de mondes que, sans telle œuvre d’art, nous n’aurions pas connus)[5]. Cette notion capitale des « variations imaginatives » comme expériences-limites du temps se verra reprise et développée au vol. III (184…), à travers l’opposition du monde de la fiction et du monde de l’histoire et après la mise en évidence du traitement du problème du temps par la phénoménologie : leurs libres connexions à la réalité de l’expérience vécue du temps, la singularité de chacune et leur caractère non totalisable, leur irréductibilité aux descriptions phénoménologiques[6].
vendredi 12 septembre 2014
les entourloupes de la FICTION ...
De + en + curiosité, intérêt, passion, obsession... pour les
entourloupes et l'imbroglio de la FICTION par rapport au(x) réel(s)...
Ce ' rapport' complexe au réel passe par le 'travail' AVEC les codes et les référents, de toutes origines et de ts ''niveaux'...
Comme l'affirme Ricoeur , on peut penser que ce travail passe par ' la mise en intrigue' certes construite par l'auteur mais lui-même travaillé par ' les discours sociaux' , plus ou moins intégrés, avec +ou- de 'distance' ( ironie, citations détournées, pastiches, etc...)...
Selon le même auteur/philosophe, tenir compte aussi de la ' triple mimesis', ou, en ts cas, de REPRÉSENTATIONS différentes attachées à l'auteur, la mise en intrigue, le lecteur...
Soit un 'MONDE DU TEXTE' intégrant une grande diversité de discours + ou- en cohérence...
Voir aussi les enjeux
- de l' écriture ( Lahire,...);
- du livre ( Manguel, "Bibliothèque, la nuit" ) ...
To' rat' !
Ce ' rapport' complexe au réel passe par le 'travail' AVEC les codes et les référents, de toutes origines et de ts ''niveaux'...
Comme l'affirme Ricoeur , on peut penser que ce travail passe par ' la mise en intrigue' certes construite par l'auteur mais lui-même travaillé par ' les discours sociaux' , plus ou moins intégrés, avec +ou- de 'distance' ( ironie, citations détournées, pastiches, etc...)...
Selon le même auteur/philosophe, tenir compte aussi de la ' triple mimesis', ou, en ts cas, de REPRÉSENTATIONS différentes attachées à l'auteur, la mise en intrigue, le lecteur...
Soit un 'MONDE DU TEXTE' intégrant une grande diversité de discours + ou- en cohérence...
Voir aussi les enjeux
- de l' écriture ( Lahire,...);
- du livre ( Manguel, "Bibliothèque, la nuit" ) ...
To' rat' !
mardi 12 août 2014
Imaginons qu'au cours d'un long (400 pages...) récit sur les misères et le déclin d'un prof vieillissant, on trouve une séquence où le prof s'exclame, lors d'une réunion après une inspection, excédé : "Monsieur l'inspecteur, vous êtes chiant!"
Si l'on analyse, selon divers schémas narratologiques, le récit ds son ensemble ( donc après avoir fait un choix opératoire de ctaines séq, que ce soit sur le plan de l'approche de la fiction -un résumé, par ex, un "pitch" - ou de la narration par ex temporalité, pt de vue du Narr,...- ) cet épisode a peu de chance d'être retenu...
Or, il risque bien de "marquer" le lecteur, pour des raisons qui ne sont ni purement formelles ( la narration), ni purement de l' ordre de la fiction....
C'est que cet épisode marque pcq il combine ces 2 plans du
récit : l'expression même :"vs êtes chiant" formulée à l'égard de l'inspecteur marque 1 moment de TENSION du récit, "un dérapage", qui s'explique par l'inadéquation choquante de la formule ds ce contexte SOCIAL_ CULTUREL. Les éléments interagissent, et le "vs êtes chiant" indique non pas un" truc" slt litt mais un jeu sur la substance de la forme ( l'expression vocifère bien autre chose que l'ennui du prof) selon Hjemslev, même si, ds la forme du contenu, au vu de tout cequi se passe par ailleurs, l'épisode semble trop anecdotique pour être retenu ds 1 schéma narratif "scolaire"...
La tension entre les 2 univers est bien là, pourtant, et restera pt être comme 1 temps fort ds la lecture menée par certains lecteurs... C'est en cela que Ricoeur parle d'un "monde du txt", fait de cette "tension" entre les éléments de narration et les avancées de la fiction; il les observe comme des temps forts du récit, porteur ainsi d'un monde à part, qui mérite certainemt, au moins pour ctains épisodes, l'attention du lecteur, le commentaire, et prête à interprétation...
Ces épisodes créent/ nourrissent aussi la "mimésis", non par simple "effet de réel", ms surtout par le sens pris dans la progression de l'intrigue et l'effet produit sur la perception du réel du lecteur, surpris, ravi ou choqué, c'est selon...
To' ratt' !!
sur Matt Scudder, un cama' d'encre et de papier....
Repris du blog de "D. R."...
"J'ai malheureusement oublié qui m'a indiqué, il y a une quinzaine d'années,Lawrence Block, cet auteur assez coté, ai-je compris, auprès des amateurs de romans policiers [1]. Dommage, mais cet informateur est resté mon soldat inconnu à qui je ne manque jamais d'allumer un cierge quand je lis un nouvel épisode des aventures de Matt Scudder.
Matt était flic et buvait comme un trou. Un jour, lors d'un hold-up qui se termine en fusillade, une balle perdue tue net une petite fille qui se trouvait parmi les passants. Il ne s'en remet pas, démissionne de la police, se reconvertit comme privé et suit une cure de désintoxication. Scudder est donc un alcoolique, quelqu'un qui – pour répondre a la seule définition médicale qui fasse à peu près l'unanimité – a perdu la liberté de s'abstenir de consommer de l'alcool [2]. Un alcoolique abstinent.
Les aventures new-yorkaises du détective sont donc scandées, entre deux planques, de visites aux réunions des Alcooliques anonymes qui se tiennent, jour et nuit, aux quatre coins de la ville. Matt a-t-il un coup de blues, il tire de sa poche le programme hebdomadaire des A.A. et se précipite en pleine nuit dans le Bronx, si c'est là que se tient, cette semaine-là, la réunion de trois heures du matin.
Il va sans dire que Lawrence Block sait de quoi il parle. Huit Millions de façons de mourir [3] contient l'un des portraits psychologiques les plus saisissants de l'alcoolique qui se ment à lui-même et, accessoirement, aux autres quant à sa dépendance. Mais, surtout, chaque nouveau titre de la série des Matt Scudder comporte quelques lignes d'une cruelle lucidité sur le dispositif quasi sectaire des Alcooliques anonyme [4]. En voici un passage:
« Six mois auparavant, un mardi soir de la mi-juillet où il faisait une chaleur étouffante, j'assistai à ma réunion habituelle du soir, dans le sous-sol de l'église Saint-Paul. Je sais que c'était un mardi , parce que je m'étais engagé pour six mois à aider à remplier et empiler les chaises après les réunions du mardi. Les A.A. ont une théorie selon laquelle ce genre de service permet de rester sobre. Je n'en suis pas si sûr. À mon avis ce qui vous permet de rester sobre c'est de ne pas boire, mais empiler des chaises ne fait sans doute aucun mal. Il n'est pas facile d'attraper un verre quand on a une chaise dans chaque main [5]. »
Mais le plus confondant, pour qui partage le statut de Matt, ce sont encore ses retrouvailles dans Le Diable t'attend [6] avec Jane Keane, une amie perdue de vue, elle aussi alcoolique abstinente, qui l'appelle un soir. Elle veut le voir, c'est urgent. Matt lui rend visite, dès le lendemain. Elle lui demande de lui procurer un revolver. Elle vient d'apprendre qu'un cancer du pancréas ne lui laisse que peu de temps à vivre et l'assurance de souffrances d'ores et déjà terribles. Elle veut pouvoir en finir si l'épreuve est au-dessus de ses forces. Matt lui suggère qu'il y a moins violent qu'une balle dans la tête, avec le risque de se rater. Elle a bien lu un livre, Final Exit, qui publie les doses létales à employer pour se suicider avec des médicaments ; mais « le scénario typique consistait à s'enfiler une pleine poignée de narcotiques et à faire descendre le tout avec un verre de whisky.
– Putain, Matt ! J'ai trop misé sur l'abstinence pour me satisfaire de mourir autrement que dans l'abstinence. Je préfère souffrir que de vivre avec quelque chose qui me masque la douleur. Et merde, quoi ! C'est la donne dont j'ai hérité, tu sais ? J'essaierai de jouer la partie aussi longtemps que je pourrai, et puis je passerai. C'est ma donne à moi et je peux plier quand je veux. »
Voilà qui ne s'invente pas. Je suggère à toute personne en difficulté avec l'alcool de se faire, sans attendre, un ami de Matt. Et, ministre de la Santé, j'imposerais la lecture des romans de Lawrence Block à tous médecins, soignants et responsables d'associations d'anciens buveurs candidats à la prise en charge et à l'accompagnement de ce « mauvais malade » qu'est l'alcoolique : ce patient qui ne guérit jamais et qui, jusque dans une abstinence rayonnante – telle Jane –, blessera le narcissisme de ses thérapeutes et, presque toujours, celui de son entourage."
[1] Ses premiers ouvrages traduits en français sont disponibles dans la « Série noire » aux éditions Gallimard ; les plus récents aux éditions du Seuil. Seule une moitié des titres environ met en scène Matt Scudder, tous ceux que j'ai lus, en revanche, évoquent plus ou moins longuement l'alcoolisme.
[2] Définition de Pierre Fouquet, l'un des fondateurs de l'alcoologie dans les années 1950 ; in (entre autres références nombreuses) Jean-Paul Descombey, Précis d'alcoologie clinique, Dunod, 1994.
[3] Gallimard, 1989, pp. 84-88 et passim.
[4] Je renvoie qui s'effaroucherait de cette assertion au livre de Joseph Kessel, Avec les Alcooliques anonymes (Gallimard, 1960 – toujours disponible), qui brosse l'histoire du mouvement et décrit assez clairement les fondements du dispositif à proprement parler confessionnel qui sous-tend l'approche culpabilisante de l'alcoolisme chez les A.A.
[5] Une danse aux abattoirs, Gallimard, 1993, p. 66.
[6] Le Seuil, 1995.
Lawrence Block, D.R.
lundi 4 août 2014
Ford, John ( Edouard Waintrop, mai 2012 )
doc
Quand Hollywood cultivait sa fibre sociale dans l’entre-deux-guerres
Dans l’entre-deux-guerres, certains acteurs et réalisateurs américains très populaires mêlaient à leur attachement aux valeurs traditionnelles une nette sensibilité sociale. Le parcours du cinéaste John Ford en témoigne.
par Edouard Waintrop, mai 2012
Se dire de gauche ou afficher quelque inclination pour le Parti communiste faisait bon effet dans certains cercles de Los Angeles à l’époque du New Deal, dans les années 1930. Après tout, l’une des conséquences du passage du cinéma au parlant avait été l’arrivée massive d’écrivains originaires de la Côte est, souvent issus de l’immigration européenne, puis d’Européens qui fuyaient le nazisme.
Cette tendance inquiéta vite le Federal Bureau of Investigation (FBI), qui alla jusqu’à monter un dossier contre le réalisateur John Ford. Cela peut paraître étrange à ceux qui, se souvenant des films que l’Irlando-Américain a mis en scène après la seconde guerre mondiale et de leurs accents martiaux, voient en lui un cinéaste réactionnaire. Et pourtant… L’intérêt du FBI pour ce fils d’un organisateur du Parti démocrate de Portland fut suscité par la naissance de l’association des réalisateurs, la Screen Directors Guild (SDG), en 1935. Cinéaste reconnu, Ford en était l’un des fondateurs. Aucun de ses succès des années 1910 et 1920 n’avait pourtant trahi la moindre sensibilité sociale : on y retrouvait plutôt une idéologie « Middle West » qui célébrait les viriles vertus rurales face à ce que le théoricien populiste du XIXe siècle William Cobbett appelait les « frivolités efféminées de la métropole (1) ».
Pendant la crise de 1929, Ford perdit un peu d’argent mais continua à travailler et à bien gagner sa vie. Puis les contraintes, notamment financières, qui pesaient sur Hollywood se firent plus lourdes. Ford se mit à critiquer une production qui n’était plus orientée que vers la rentabilité. Il se radicalisa. Il n’alla pas jusqu’à s’afficher, comme l’acteur James Cagney, la star de ces années-là, avec un dirigeant du Parti communiste américain (2) : il restait animé par un anticommunisme sans faille. Mais à ses amis, comme le scénariste Philip Dunne, lui-même homme de gauche, il confia qu’il était un partisan du président Franklin Roosevelt, l’artisan du New Deal.
En décembre 1935, le réalisateur King Vidor, un grand nom du cinéma des années 1920 et 1930, reçut chez lui des amis. Ford se trouvait parmi eux. Ces hommes, dont certains étaient des cinéastes considérables, avaient une réputation d’individualistes forcenés. Cela ne les empêcha pas de créer, avec une mise de 100 dollars par tête, la SDG, « afin de protéger, selon les mots mêmes de Ford, l’intégrité de leur profession ». Vidor en fut élu président. Cette initiative ne fut pas applaudie par les patrons des studios.
L’époque était encore marquée par la Grande Dépression. Dans tout le pays, le patronat se montrait agressif envers les syndicats et cherchait à remettre en cause les conquêtes sociales. Hollywood n’y échappait pas. En mars 1934, l’Association des producteurs de films, en liaison avec l’Academy of Motion Pictures, avait décidé des baisses de salaire allant jusqu’à 50 %. Les syndicats avaient protesté ; pour la première fois, le 13 mars, les techniciens cessèrent le travail. Le conflit fut court et son issue favorable aux grévistes. C’est ce succès qui semble avoir convaincu certains metteurs en scène de s’organiser. Leur SDG, formée après l’Association des acteurs (Screen Actors Guild) et celle des scénaristes (Screen Writers Guild), était considérée comme moins à gauche que ses aînées. Elle gênait pourtant les patrons des majors, qui l’accusèrent d’être inspirée par les communistes…
Ford participa avec ferveur aux premières années de la SDG. Il en fut le trésorier. Il exprima sa solidarité avec les autres salariés des studios, dénonça le chômage qui ravageait le monde du cinéma, et s’en prit aux banques qui, d’après lui, tiraient les ficelles derrières les moguls (« magnats ») hollywoodiens et organisaient la crise « pour ramener les salaires à leur niveau de 1910 ». En 1935 commença également sa courte mais réelle période d’engagement politique.
De tout temps, Ford avait été mû par une sainte détestation de l’establishment. S’y ajoutaient maintenant l’influence de ses scénaristes, Dudley Nichols et Dunne, notoirement progressistes, ainsi que ses discussions avec l’acteur Will Rogers, qui, issu de l’Amérique profonde, défendait des positions politiques originales. Satiriste, critique des transformations de la vie américaine sur scène comme à la ville, Rogers, qui revendiquait ses racines indiennes, avait failli être candidat à la présidence des Etats-Unis en 1932. Au cinéma, où il entama sa carrière en 1918, cet homme maigre, aux cheveux grisonnants et au sourire timide, était, juste après Shirley Temple, l’acteur qui attirait le plus le public dans les salles.
Ses valeurs étaient proches de celles du People’s Party, qui avait émergé à la fin du siècle précédent et qui, bien qu’ayant disparu depuis, survivait dans le cœur de certains « conservateurs de gauche ». Anticapitaliste, antiraciste, antiautoritaire et attaché aux idéaux pionniers, ce parti se méfiait du développement économique et du salariat, qu’il jugeait incompatible avec la liberté et la démocratie américaine. Il défendait une république de petits propriétaires, de coopératives, et une plus grande égalité. Dans cette ligne, l’acteur cultivait un bon sens populaire, professait un respect de la tradition, des valeurs morales simples, se méfiait de la politique quand elle s’éloignait des citoyens, rejetait le puritanisme et montrait un grand appétit de justice sociale. Ford lui donna le rôle principal dans trois films : Doctor Bull (1933), Judge Priest (1934) et Steamboat Round the Bend (1935), des mélanges de drame et de comédie, injustement oubliés. Le comédien participa à l’écriture du scénario. Dans les deux derniers, fait rarissime à l’époque, il donne la réplique à Stepin Fetchit, un acteur noir, son alter ego pour l’humour. Il mourut dans un accident d’avion en 1935. Le réalisateur resta fidèle aux idées de son ami — du moins un certain temps.
L’année suivante, il adapta Le Mouchard, un roman de son cousin Liam O’Flaherty, un Irlandais de gauche. Il réalisa ensuite pour la RKO Révolte à Dublin, puis revint à la Fox, dirigée par Darryl F. Zanuck. Les rapports avec ce producteur autoritaire furent d’abord orageux ; puis les deux hommes s’apprivoisèrent. Zanuck admirait Ford et celui-ci se sentait bien dans une société dirigée par un homme paradoxal, à la fois républicain et sensible aux sujets sociaux. « Avec lui, Ford tourna des films différents, plus directs, plus émouvants. Par goût autant que par obligation, il se concentra sur l’histoire américaine et sur des sujets à forte connotation sociale. Entre 1935 et 1941, il connaîtra un triomphe artistique avec La Chevauchée fantastique, Vers sa destinée, Les Raisins de la colère et Qu’elle était verte ma vallée (3). » Dans le premier film — Stagecoach en version originale —, Ford se livrait à une critique sociale acerbe, avec notamment une jolie caricature de banquier véreux, tout en massacrant allègrement les Indiens. Dans le deuxième — Young Mr. Lincoln —, il célébrait les idéaux de tolérance et la personne d’Abraham Lincoln. Dans le troisième, adaptation du célèbre roman de John Steinbeck, il fustigeait l’injustice sociale. Dans le dernier, il glorifiait la classe ouvrière à travers les mineurs.
L’engagement pro-ouvrier et démocratique de Ford ne se manifesta pas que dans ses films. En 1936, opposé au soutien de l’Eglise au soulèvement militaire d’extrême droite contre le gouvernement espagnol légitime, cet étrange catholique participa à la fondation du Comité des artistes de cinéma pour l’aide à l’Espagne républicaine. Il y était entouré de son ami Nichols et du romancier Dashiell Hammett, auteur du Faucon maltais et de La Moisson rouge, qui travaillait comme scénariste à Hollywood (4). Dans ce groupe figurait aussi Lester Cole, qui, en 1948, serait l’un des « dix de Hollywood » — groupe de scénaristes, producteurs et cinéastes condamnés à la prison pour avoir refusé de témoigner de leur appartenance au Parti communiste.
Quand Ernest Hemingway, auteur du commentaire de Terre d’Espagne, tourné par Joris Ivens en soutien aux républicains, vint à Hollywood lever des fonds, Ford fit don d’une ambulance. Il maintint aussi une correspondance avec son neveu, Bob Ford, qui avait traversé l’Atlantique pour rejoindre les Brigades internationales. Le cinéaste le félicita de son courage et se déclara « définitivement socialiste et démocrate — toujours de gauche ». Il ajouta cependant que ce qui se passait en Union soviétique à ce moment-là (les grandes purges, les procès de Moscou) l’avait convaincu que le communisme n’était pas non plus la solution.
En 1938, Ford fut élu vice-président du Motion Picture Democratic Committee, fondé pour lutter contre le fascisme et le racisme et soutenir le mouvement pour les droits civiques. Hammett en était le président. Le pacte germano-soviétique de 1939 fit vite éclater ce comité en deux blocs opposés, avant d’affaiblir la gauche hollywoodienne dans son ensemble.
L’époque était en train de changer. La droite conservatrice avait repris du nerf. La commission des activités antiaméricaines venait d’être créée ; la guerre menaçait. Ford allait s’y engager pleinement auprès de l’Office of Strategic Services (OSS), l’ancêtre de la Central Intelligence Agency (CIA) — d’abord par antifascisme, puis par patriotisme. Il la termina avec le grade d’amiral dans la Navy.
En 1944, il démontra un anticommunisme revigoré en adhérant dès sa création (avec Clark Gable, Gary Cooper...) à la très droitière Motion Picture Alliance. Il tournait ainsi le dos à ses amis des années 1930. Comme l’écrit Joseph McBride : « Il avait passé quatre années en compagnie d’officiers supérieurs et fait cause commune avec l’OSS. Ce qui avait entraîné un changement profond de ses opinions politiques (5). » Cela ne l’empêcha pourtant pas, sous le maccarthysme, de refuser la chasse aux sorcières contre les communistes. Il fustigea même ceux parmi ses collègues qui, comme Cecil B. DeMille, s’en firent les complices.
Et voilà...
mardi 22 juillet 2014
"Fèdèfotos" !!!! ... Et trie !!!
Toi, poteau, qui "fèdèfotos",
On le sait/ croit, la photo, c'est du passé mis "à vif"...
C'est une ouverture en profondeur sur le tissu des ellipses...
C'est la révélation/ mise à jour des sentiers couverts de l'entr'images, du "péritexte" entre 2 eaux que chacun peut explorer depuis la rive, comme le fond de l'Ourthe à Sauheid; si tu te penches ( y penses): tu vois les galets, le limon, les tritons, mais le bâton qui touche et remue ce fond n'est jamais "droit"...( mais il "est" !)...
N'empêche, tu peux (re-)"voir", et chacun (tout l'monde, écrivais-je) pour son propre conte, son récit des origines ou sa geste perso... à partir de ses images "à lui" et/ou de "ces" images devenues siennes...
C'est d'autant plus important qu'on n'est jamais seul ds le geste photographique: ne serait-ce que ds l'objet/ la trace que l'on cliche, d'autres sont passés...
Leurs gestes aussi sont réveillés...
Et se recompose alors "la" geste des gens qui étaient ds le secteur...
Comme il y a un "monde du texte" selon Ricoeur, il ya un "monde des images", et ds ce monde, la photo , c'est de l'antémonde "à vif", de l'Histoire dans nos histoires, sur laquelle il "nous" (te) revient ( artiste, profs, amateurs éclairés,...) passants faits passeurs de ce qu'ils VIRENT, un peu les "ST Thomas" anti-virtuels, d'ouvrir une porte...
Ouvre donc une porte sur ce monde et partage un peu de ton capital symbolique... En ta présence!
Allez, to'ratt'
Bv)))
PS : 10 jours à Venise, 450 photos... Faut choisir, qd même...
jeudi 17 juillet 2014
Tableau noir ... En Québec / Wallonie (?)
A un cama' québecois...
... C'qui ns ( le Québec / la Communauté Wallonie-Bruxelles) pend au nez...
D' abord le sinistre constat d'un "projet" de transformer les agaçants étudiants en "gentils cons soma t(i s)eurs' (Tant pis pour l'orth, ma conviction c'est que le sujet "réduit à consommer" en vient à "saumatiser; la "malbouffe" peut être aussi culturelle/symbolique, et l'anorexie/boulimie "intellectuelle", le moyen des "sans-grades" de ne plus "avaler des couleuvres"... Bref, "en avoir la nausée", c'est pas qu'une façon de "pasparler")...
En outre, l'urgence de se demander comment les ressources matérielles (les subsides/ le pognon) seraient allouées, à qui, par qui "ET EN VERTU DE QUEL PRINCIPE"... Suivant Hugo, je pourrais dire "avec le fric des prisons fermées", mais la boutade ne dispense pas de rappeler, comme Gramsci et Petit Jérôme, qu'une société " post-révolutionnaire" ( donc après 1789) doit garantir une listes de droits fondamentaux, dont celui de l'accès de tous au savoir ET à l'art, les 2 inséparables, et moralement peu compatibles avec la recherche de profits autres que symboliques...
Bref, une conception de l'art aux antipodes d' "Universal" ou de la "Fox", et du savoir aux antipodes de Pfizer ou de Lagardère, ce qui, faut bien l'admettre, n'est pas une mince affaire...
Qui peut (DOIT) gérer cela? En l'absence d'un monde uni autour des principes de l'anarcho-syndicalisme, sans aucun doute l'ETAT (donc nous tous)... Ce qui, pour la Belgique comme pour le Canada (?) ( je m'abstiens encore de considérer le Parlement de la Région wallonne, qui fait plus pitié qu'envie, comme doté de ts les moyens/ pouvoirs de la fonction publique, au sens large, ) est loin d'être gagné...
De part et d'autres de l' Atlantique, on parle de "dérives sociales, politiques, culturelles" du "marché scolaire" ... En dehors d'un plan "Marshall" qui le cherche encore ( le Marshall), la Wallonie n'a guère trouvé de solutions à ses "manques", et une bonne partie de la population en est à se demander comment encore serrer la ceinture, sous peine de devoir chercher une corde pour se pendre...
"Les représentations faisant les réalités", écris-tu... Enfin un point de désaccord! Eddy Merckx et Karl te répondraient que les représentations sociales sont filles des conditions d'existence, ( vues aussi dans leur développement historique) lesquelles restent PLUS QUE JAMAIS soumises à " des rapports de force" entre les "composantes du corps social", autrement dit les classes...
Ce n'est pas nouveau d'affirmer que la lutte des classes " se vit" à tous les étages / les champs (?!) de la société, y compris l'enseignement...
Je pense sincèrement qu'il faut "rafraîchir" cette conviction, et en mesurer toutes les conséquences, donc les revendications à défendre, avt de s'embarquer ds des "Etats généraux", eux-mêmes enjeux de rapports de force, donc de conflits de classes...
Je ne vois en cet instant que ce " travail préparatoire" ( le mot "stratégie" me fait cagar et pue le "Stal' ") pour éviter au maximum ce "consensus flasque" que tu redoutes, d'autant plus probable que les niveaux d' "impuissance" sont multiples... Les Wallons, ployant sous le poids des communes , "grandes villes", provinces, régions, communautés et royaume finissant, en savent qque chose...
Bon, donc, si j' peux aider, ça m'intéresse - Littéralement: il y a plus d'épées au -dessus de nos têtes que d'aiguilles de cactus ds le cul d'Averell Dalton à la page 32 d'un album de Lucky Luke... Pardon pour ces sus-crites "réflexions qque peu bouffonnes" , mais le coeur y est...
A+, Franck
mardi 15 juillet 2014
dimanche 1 juin 2014
Rappel des enjeux...
![]() |
| Une case de Maurice Tillieux... |
Au-delà de la reconnaissance des éléments d’ analyse définis par la narratologie, "Interpréter un txt narratif" , c’est le lire en tentant de « tenir compte »/ intégrer les « aspects suivants :
* 3 niveaux de « mimésis » :
• la représentation du réel par l’ auteur lors de l’ écriture ;
• la représentation du réel par le lecteur lors de la lecture ;
• la représentation du réel que le texte déploie (comme un éventail qui s’ouvre) parfois/ souvent au-delà de « l’intention » de l’auteur…
* les « voix » qui composent le txt ( stt le txt narratif ) : les croyances de l’auteur, les «codes culturels » utilisables – et fréquentables- à son époque, la trace des txts/récits qu’il a lui-même lus, …
* les codes narratifs, svt liés au mode de diffusion ( feuilleton, BD, …) et/ou au genre ( policier, SF, fant ,…), sans négliger le mélange des genres ( Western/polar, peplum/SF,…) ;
* les modalités stylistiques :
• respect ( variable, vol ou invol) des règles grammaticales, orth,…
• mise en œuvre, consciente ou non , des contraintes sociales, locales,…pesant sur l’emploi du voc ;
• usage plus ou moins conscient de ctaines figures de style ou « licences » litt…
Toute lecture implique donc des démarches mentales aussi variées qu’idéalement simultanées ; l’acquisition de ces démarches passe par une pratique fréquente ( « C’est en lisant qu’on devient liseron ») mais aussi variée : plus on lira des txts narratifs d’époques, de genres et de styles différents, mieux on parviendra à dénouer le jeu des intrigues mais aussi à percevoir les représentation du monde véhiculées, de façon manifeste et/ou implicite, par ces (ou de nouveaux ) txts …
(°) Peut-être serait-il plus adéquat de parler de pistes, comme pour l’enregistrement d’ une bande magnétique…
Plusieurs dogmes ont pesé de tout leur poids sur la théorie du texte :
a/ la linguistique ( le texte comme discours, lui même enjeu de la ô combien dévastatrice théorie de la communication) et
b / le texte comme phénomène rhétorique ( vecteurs de tropes en stock)…
Les 2 « réunifiés » au forceps par le structuralisme dominant des années ’60 : en caricaturant, l’œuvre se suffit à elle-même et recèle en son sein ( dans les relations entre ses éléments) toutes les clefs de sa signification…
2 théories du texte ont payé cher ce double dogmatisme :
a) l’ herméneutique ( Ricoeur et alii, le txt comme « univers » susceptible d’ interprétation) et
b) la sémiologie ( Eco et le principe de "l’œuvre ouverte" … sur autre chose qu’elle , not. ! )
Traits communs entre ces 2 approches, qui se sont hélas ! svt mutuellement ignorées : le texte comme construction d’ un monde verbal « représentant » certains aspects du monde « réel », inscrits ds l’espace et le temps, « exigeant » une participation active du lecteur, stt lorsque celui-ci n’est PAS contemporain de l’œuvre…
Ajoutons 2 autres démarches largement négligées :
c) l’approche philosophique, relancée par Deleuze et la notion de personnage/ « percept », mais aussi
d) l’approche sociologique et la théorie du « champ » (re)développée par Bourdieu, qui réaffirme à quel point auteur, œuvre et lecteur sont tributaires de leurs positions sociales et de la mise en texte ( « intertexte » ?) des REPRESENTATIONS , dominantes ou dominées, de leur(s) époque(s)…
Ainsi, des outils professionnels se sont succédé, qui ont surtout mis en évidence la structure, le langage, la narratologie, une nouvelle rhétorique, les compétences…à propos des textes…
D’ autre part, ds le domaine de l’étude du cinéma, depuis ( au moins) Serge Daney, s’est imposée l’ image du « passeur »…
Je voudrais ici plaider pour une autre dimension du « fait littéraire » : sa dimension/ son fonctionnement "ANTHROPOLOGIQUE"…
Il n’est pas innocent de réaffirmer, en reprenant certains mots de Genette (Figures II…), que la littérature, c’est une affaire ( c’est avoir à faire) de textes, et que « toute étude des gdes formes {« littéraires » stt} devrait tenir compte de cette donnée : décider de considérer toute œuvre ou toute partie d’œuvre litt. d’abord comme un tissu de figures où le temps de l’écrivain écrivant et celui du lecteur lisant se nouent et se retordent dans le milieu paradoxal de la page et du volume. Il nous faut par conséquent définir un nouvel espace où ces 2 phénomènes pourraient être compris comme réciproques et simultanés. Le texte ( continue G.) c’est cet anneau de Möbius . Le critique { le prof ?} aussi doit entrer ds le jeu de cet étrange circuit réversible, et devenir ainsi, comme le dit Proust, le propre lecteur de soi-même »….
( Genette, Fig II, p 17 et sq…)
Dès lors, il semble urgent de se reconcentrer :
- sur les formes de l’expression mais aussi les formes du contenu …
- sur le sentiment que « le langage { la litt } ne peut « exprimer » le réel ( ???) qu’en « l’ articulant »…et les conséquences de cette conviction…
- sur les outils de l’ herméneutique, de l’ anthropologie culturelle, … à réinjecter dans les pratiques pédag. du cours de FR. ;..
- …………….
Ca commence auj. !!!!
Questions annexes :
* Et le *réalisme* ?
Parlons « litt. et réalisme ». Au moins 2 grands courants: l' influence du milieu vs le psychologisme... Dans le polar, Mc Coy vs Simenon...
Un ( parmi tant d'autres!) apports de Manchette, c'est d' insérer les "sentiments" dans leur contexte comportemental, lui-même "recadré" , parfois par de véritables notes historico-politiques, ds le contexte social,...
On n'est pas loin de la "mise en récit" de la théorie des champs chère à Bourdieu : le souci de la dimension "comportementale" des personnages, renforcée par les célèbres hésitations du narrateur quant à leur " état d'âme", montre à quel point les personnages sont les jouets de leur "milieu", avec de spectaculaires sursauts émotionnels quand leur vie même est en jeu. Là ressort le "naturel/ instinct", dans des comportements inattendus, qui font les délices du lecteur : l' imprévisibilité dans le behaviorime : "chapeau, l'artiste"...
* Réalisme, toujours...
Bcp l'ont dit, le "réalisme" est aussi un "effet" littéraire...
Il demeure que un auteur, consciemment ou non, fait tjrs passer des petits bouts ( fragments ou déchets...) de sa perception du réel, de son vécu ou de ses "croyances", opinions, représentations,...
Manchette en était sans doute conscient, jusqu' à l'obsession...Cet enjeu était sans doute moins problématique au XIXe ( Zola, Balzac...), même si Maupassant et Flaubert se sont méchamment interrogé sur la question...
Les auteurs de "romans noirs" U.S. avaient svt une approche plus "immédiate" de la question ( Steinbeck, Hammet, Wolfe,...). D'autres semblent plus se "creuser" à ce sujet : Westlake, Block, Price, Dos Passos,...
Côté français, au-delà de la consternante (im)posture ironique "post-moderne", le rapport au réel est sûrement travaillé chez Manchette, Vautrin, François Bon, Emmanuel Carrère, Echenoz, Olivier Rolin ("Tigre..."), Pierre Pelot, Thomas Gunzig, Rezvani et qques autres, on y reviendra...
To' ratt' !
jeudi 24 avril 2014
Fragments de discours sociaux et txts litt
Tu vois, ça n'a pas traîné...
Fragments de discours sociaux et txts litt
Au bout du cpte, si l'on cherche à "faire le compte" des intrusions du social ( IE l'espace-temps socio-culturel d'une époque) ds un txt litt Y, on est amené à y rechercher :
- les élts d'idéologie(s) de cette époque;
- les élts de discours sociaux relevant des croyances, lieux communs, ... en cours;
- les élts de représentations sociales;
- les élts symboliques appartenant à l'imaginaire collectif et contingent selon, not, les catégories sociales représentées ds
le txt Y;
- les aphorismes appartenants aux sous-entendus, présupposés, préjugés et stéréotypes de l'époque;
- les représentations mentales de "l'auteur", accessibles not à travers les élts biographiques et familiaux, le "background des "oeuvres" ( romans, poèmes, txts journalistiques,...);
- les élts liés à l'intertextualité, incluant la "bibliothèque mentale" de "l'auteur", mais aussi les contraintes spécif litt, le "genre" not;
- les contraintes liées aux démarches d'édition et de diffusion des "oeuvres" de même ordre, y compris les notifications d'un comité de lecture,...
- Et alii specifques...
Ce qui n'est pas une mince affaire... Et tout cela avt de prétendre avoir accès à la "littérarité" du txt Y, elle-même soumise à quantité de représentations, liées not à l" intégration" en "habitus" professionnel des "schèmes de perception du travail d'écrivain, de la représentation des lecteurs/trices "visés", des discours de pairs ( réception critique des "oeuvres" précédant le txt Y), de l'appartenance au mode de production "large" ou "restreinte"...
Car tte "oeuvre" est plus ou moins largement la production de ts ces "codes"/ fragments de dicours, svt contradictoires, plus ou moins bien "intégrés" ( "mis en intrigue", Ricoeur) , consciemment ou non, par "l'auteur"...
Cela laisse rêveur...
Fragments de discours sociaux et txts litt
Au bout du cpte, si l'on cherche à "faire le compte" des intrusions du social ( IE l'espace-temps socio-culturel d'une époque) ds un txt litt Y, on est amené à y rechercher :
- les élts d'idéologie(s) de cette époque;
- les élts de discours sociaux relevant des croyances, lieux communs, ... en cours;
- les élts de représentations sociales;
- les élts symboliques appartenant à l'imaginaire collectif et contingent selon, not, les catégories sociales représentées ds
le txt Y;
- les aphorismes appartenants aux sous-entendus, présupposés, préjugés et stéréotypes de l'époque;
- les représentations mentales de "l'auteur", accessibles not à travers les élts biographiques et familiaux, le "background des "oeuvres" ( romans, poèmes, txts journalistiques,...);
- les élts liés à l'intertextualité, incluant la "bibliothèque mentale" de "l'auteur", mais aussi les contraintes spécif litt, le "genre" not;
- les contraintes liées aux démarches d'édition et de diffusion des "oeuvres" de même ordre, y compris les notifications d'un comité de lecture,...
- Et alii specifques...
Ce qui n'est pas une mince affaire... Et tout cela avt de prétendre avoir accès à la "littérarité" du txt Y, elle-même soumise à quantité de représentations, liées not à l" intégration" en "habitus" professionnel des "schèmes de perception du travail d'écrivain, de la représentation des lecteurs/trices "visés", des discours de pairs ( réception critique des "oeuvres" précédant le txt Y), de l'appartenance au mode de production "large" ou "restreinte"...
Car tte "oeuvre" est plus ou moins largement la production de ts ces "codes"/ fragments de dicours, svt contradictoires, plus ou moins bien "intégrés" ( "mis en intrigue", Ricoeur) , consciemment ou non, par "l'auteur"...
Cela laisse rêveur...
mercredi 12 mars 2014
Sur l' Histoire du cinéma...
Sur Histoire du cinéma...
1) Une première époque: celle de l'euphorie "ir/réaliste": le ciné apparaît comme le moyen de représentation le plus abouti
- du réel
- historique/ universel : Griffith, ...
- docum : ....
-- de l'imaginaire
- du fantasme : Bunuel,...
- du surnaturel: "Nosferatu",...
2) 2e époque: le cinéma est-il une forme d'art/ l'art "absolu"?
3) Le ciné en guerre avec les autres formes de représentation:
- la TV >>> cinémascope, couleurs, gd spectacle ( western, guerre, "Lawrence d'Arabie",...);
- la vidéo, le DVD,...>>>> la SF, les FX,...
- Internet, les jeux, >>> 3D, retour comédie " 3 acteurs,/3 plans", film "à thèse",...
A+
1) Une première époque: celle de l'euphorie "ir/réaliste": le ciné apparaît comme le moyen de représentation le plus abouti
- du réel
- historique/ universel : Griffith, ...
- docum : ....
-- de l'imaginaire
- du fantasme : Bunuel,...
- du surnaturel: "Nosferatu",...
2) 2e époque: le cinéma est-il une forme d'art/ l'art "absolu"?
3) Le ciné en guerre avec les autres formes de représentation:
- la TV >>> cinémascope, couleurs, gd spectacle ( western, guerre, "Lawrence d'Arabie",...);
- la vidéo, le DVD,...>>>> la SF, les FX,...
- Internet, les jeux, >>> 3D, retour comédie " 3 acteurs,/3 plans", film "à thèse",...
A+
samedi 8 mars 2014
Hommage...
txt Ecrivain(e)s avril 2013
Qui, pas encore morts - ou tout juste- après 10 ans de XXIe ?
- remarquables romanciers "en coulée continue" : Pelot, Vautrin, Rezvani - ts largmnt ignorés- Djian, Fernandez,...
- écrivains "postures du samouraï' ( Vautrin, vexé par Manchette, dernier hussard du polar blême, "pale rider" du roman noir) : Echenoz "14"!!, Ernaux, Olivier Rolin;///
- écrivains philosophes :
- optimistes : Le Clézio,...
- "barrés-nihilistes" : M. Dantec...
Après ça... Bof bof...
samedi 8 février 2014
Sur les Yeux de la momie
Ca, j'aurais aimé l'avoir écrit
"03/11/2011
les Yeux de la momie ("Le dernier coquelicot") (!!!)
(...) Un type qui se balade avec l’autobiographie de Minnelli sous le bras, et qui préfère les femmes filmées par Cassavetes à celles filmées par Woody Allen, emporte très vite notre affection. Mais s’agit-il vraiment de critiques?? Manchette s’écarte des mensonges et des bavardages récurrents des journalistes et la préface d’Alain Carbonnier propose même de situer la cinéphilie comme l’anti journalisme en exercice. Non pas que le cinéphile ne puisse pas faire un travail d’analyse, mais avec Manchette, l’écriture se fait «à chaud», au plus près de l’émotion de la séance, entre coups de gueule, hurlements de joie ou silences qui en disent paradoxalement long.
Ainsi, Manchette voit et revoit tous les films qui se présentent. Les films remarquables sont «des trucs à voir dare dare».
D’autres sont jugés «emmerdants», d’autres encore juste «honorables». L’enthousiasme d’un bouleversement, l’aversion pour certaines images restent dans le domaine de la proximité d’un vécu et non de la distance d’un critère (contrairement à notre époque où les textes sur le cinéma encombrent le rayon philosophie et délaissent le coin des films??). Manchette fait part de tout ce qu’il croise. Il prévient ces lecteurs de ce qui va se passer au niveau cinématographique dans la semaine, agenda «souvent vite fait parce que j’ai pas la pèche».
Ces survols improvisés brassent livres, films nouveaux, reprises et rediffusions, toujours dans ce qui refonde le désir plutôt que le partage d’un avis. A la lecture de tant de profusion, nous sommes étourdi de tant d’images vues.
Les remarques de Manchette ont la prouesse de prendre en écharpe même les navets, les pornos tout en évoquant un peu plus loin, la mémoire d’un chef opérateur d’un film de Sternberg, dans un contrepoint plein de saveur.
L’exercice n’est pas si léger qu’il n’y parait. La culture de l’auteur est précise, jamais pompeuse. Elle instaure «un corps cinéma», parcourant différentes époques et de très nombreux supports, vertigineux de rapports.
Ainsi quand la note ne bifurque plus vers une parenthèse, quand elle reste au plus près de ce qui résiste, on peut penser que l’émotion a dû être immense pour en rester un moment là.
Prenons un exemple, parmi tant, de ce qui ne serait pas vu sans lui: «tous les Cassavetes movies déconnent à la fin, comme un môme que l’on envoie se coucher et qui n’en a pas envie». A l’encontre d’un«quotidien néovague d’un cinéma moderniste», Cassavetes fait surgir «des êtres et de ce quotidien ce qu’ils ont d’extraordinaire, d’excessif et d’abhérrant». Manchette est très attentif à ce quotidien, non plus laissé à lui-même, réduit à une essence mais pris dans une relation. La problématique des rapports entre «humains» renouvelle son approche. «L’obscur d’une réalité» se juge à ce que cette réalité implique des personnages et des auteurs de films."
To'ratt... Putain, certains sont tudjûment doués... Bv)
"03/11/2011
les Yeux de la momie ("Le dernier coquelicot") (!!!)
(...) Un type qui se balade avec l’autobiographie de Minnelli sous le bras, et qui préfère les femmes filmées par Cassavetes à celles filmées par Woody Allen, emporte très vite notre affection. Mais s’agit-il vraiment de critiques?? Manchette s’écarte des mensonges et des bavardages récurrents des journalistes et la préface d’Alain Carbonnier propose même de situer la cinéphilie comme l’anti journalisme en exercice. Non pas que le cinéphile ne puisse pas faire un travail d’analyse, mais avec Manchette, l’écriture se fait «à chaud», au plus près de l’émotion de la séance, entre coups de gueule, hurlements de joie ou silences qui en disent paradoxalement long.
Ainsi, Manchette voit et revoit tous les films qui se présentent. Les films remarquables sont «des trucs à voir dare dare».
D’autres sont jugés «emmerdants», d’autres encore juste «honorables». L’enthousiasme d’un bouleversement, l’aversion pour certaines images restent dans le domaine de la proximité d’un vécu et non de la distance d’un critère (contrairement à notre époque où les textes sur le cinéma encombrent le rayon philosophie et délaissent le coin des films??). Manchette fait part de tout ce qu’il croise. Il prévient ces lecteurs de ce qui va se passer au niveau cinématographique dans la semaine, agenda «souvent vite fait parce que j’ai pas la pèche».
Ces survols improvisés brassent livres, films nouveaux, reprises et rediffusions, toujours dans ce qui refonde le désir plutôt que le partage d’un avis. A la lecture de tant de profusion, nous sommes étourdi de tant d’images vues.
Les remarques de Manchette ont la prouesse de prendre en écharpe même les navets, les pornos tout en évoquant un peu plus loin, la mémoire d’un chef opérateur d’un film de Sternberg, dans un contrepoint plein de saveur.
L’exercice n’est pas si léger qu’il n’y parait. La culture de l’auteur est précise, jamais pompeuse. Elle instaure «un corps cinéma», parcourant différentes époques et de très nombreux supports, vertigineux de rapports.
Ainsi quand la note ne bifurque plus vers une parenthèse, quand elle reste au plus près de ce qui résiste, on peut penser que l’émotion a dû être immense pour en rester un moment là.
Prenons un exemple, parmi tant, de ce qui ne serait pas vu sans lui: «tous les Cassavetes movies déconnent à la fin, comme un môme que l’on envoie se coucher et qui n’en a pas envie». A l’encontre d’un«quotidien néovague d’un cinéma moderniste», Cassavetes fait surgir «des êtres et de ce quotidien ce qu’ils ont d’extraordinaire, d’excessif et d’abhérrant». Manchette est très attentif à ce quotidien, non plus laissé à lui-même, réduit à une essence mais pris dans une relation. La problématique des rapports entre «humains» renouvelle son approche. «L’obscur d’une réalité» se juge à ce que cette réalité implique des personnages et des auteurs de films."
To'ratt... Putain, certains sont tudjûment doués... Bv)
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