Né en 1972 au Caire, Hamed Abdel-Samad est écrivain. Fils d’un imam sunnite, il rejoint en 1991 les Frères musulmans, qu’il reniera plus tard. En 1995, il s’installe en Allemagne où il étudie la politique, l’islam, l’histoire et la culture juives. Naturalisé allemand, l’écrivain publie en 2015 un ouvrage devenu un best-seller en Allemagne : Mohamed. Eine Abrechnung (“Mohamet : le réglement de comptes”, inédit en français).
En 2016, Hamed Abdel-Samad sort Le Fascisme islamique. Ses nombreuses interventions dans les médias lui ont valu des menaces de mort. Il vit aujourd’hui sous protection policière.
" (...) Qu' est-ce alors qu’un islamiste ? Un simple combattant qui agite un drapeau noir et coupe des têtes ? Ou est islamiste quiconque place les lois de l’islam au-dessus du droit séculier ? Pour moi, un père musulman qui interdit à sa fille de participer au cours de natation est un islamiste. Une mère qui conseille à ses enfants de ne pas lier amitié avec des Allemands parce qu’ils mangent de la viande de porc, boivent de l’alcool et se livrent à la débauche, ce qui fait d’eux des impurs, est une islamiste. Les organisations musulmanes qui exercent une influence sur l’enseignement de l’islam, pratiquent la finance islamique, organisent des manifestations contre la guerre de Gaza mais hésitent à prendre position contre Daesh sont, à mes yeux, également des islamistes. De même, tous ceux qui prétendent que la charia est compatible avec la démocratie sont des islamistes car, que ce soit leur intention ou non, ils font de la démocratie le cheval de Troie de l’islam. Ce n’est qu’une fois que l’islam se sera débarrassé de ce défaut de naissance qu’on pourra établir une distinction entre islam et islamisme.
Tout d’abord, les musulmans doivent évacuer l’aspect juridico-politique de l’islam car il comporte des caractéristiques fascisantes. Tant que l’islam part du principe que Dieu est le législateur et que ses lois sont non négociables et non modifiables, il ne fait qu’un avec 1’islamisme. Le christianisme et le judaïsme n’ont pas davantage donné naissance à des démocraties. Il a d’abord fallu que ces religions perdent tout pouvoir politique avant d’être en mesure de cohabiter avec la démocratie. On peut retirer à l’islam son pouvoir politique tout en restant musulman.
On ne peut clairement séparer l’islam de l’islamisme qu’à condition que les musulmans se détachent de l’image islamique de Dieu : un dieu qui téléguide les hommes et les surveille 24 heures sur 24, un dieu jaloux, furieux, qui leur inflige des supplices infernaux pour les punir de petits délits, mais qui ne doit lui-même surtout pas être remis en question. Ce n’est qu’en procédant à une relativisation du message central de l’islam qu’on pourra opérer une différenciation. Ce message central est le suivant : les hommes ont été créés pour servir Dieu et exécuter ses lois sur terre.
Bien sûr, il existe une différence essentielle entre un homme qui décapite des infidèles en Irak ou en Syrie et un père à Copenhague, Paris ou Berlin qui oblige sa fille à porter le voile. Mais tous deux agissent poussés par la nécessité de se plier à la volonté de Dieu et de n’avoir d’autre choix, en tant qu’humain, que d’exécuter la volonté de Dieu ; là est tout le problème. Se plier à la volonté de Dieu se dit « islam » en arabe, et non « islamisme ».
(...)La dimension spirituelle de l’islam est réparatrice et offre un certain réconfort, mais plus l’islam influence la vie, plus on se rapproche de l’islamisme. L’islam, et pas uniquement l’islamisme, ont l’ambition de réguler l’existence d’un musulman du moment où il se lève jusqu’à celui où il va se coucher. Un islam qui veut se détacher de l’islamisme doit d’abord renoncer au djihad, à la charia, à l’apartheid sexuel et à la totale régulation de la vie. Mais alors se pose la question : que reste-t-il de l’islam authentique ?
Ce que nous devrions distinguer, c’est l’islam d’un côté et les musulmans de l’autre. Tous les musulmans ne sont pas des lecteurs aveugles du Coran. Tous ne s’en tiennent pas à chaque rituel ni à chaque principe moral de l’islam. La plupart des musulmans ne fréquentent pas la mosquée. C’est pourquoi il serait erroné d’attribuer les mêmes caractéristiques à tous les musulmans du monde. Il serait erroné de les rendre responsables des monstruosités commises par d’autres. S’en prendre grossièrement à tous les musulmans serait une erreur fatale et une perte. Nous devrions plutôt aider ceux d’entre eux qui veulent que la religion soit une affaire privée. Mais il faut soutenir encore davantage les musulmans qui cherchent à se libérer complètement des structures religieuses rouillées et de l’emprise de la société. Pour dépolitiser l’islam, nous avons besoin de l’aide des musulmans eux-mêmes, sans quoi tout ne sera que peine perdue. (...) "
" L’intellectuel allemand d’origine égyptienne Hamed Abdel-Samad introduit sa réflexion sur les sources de l’islam politique par un rappel du contexte historique : l’islamisme des Frères Musulmans s’est développé en Egypte au même moment que le fascisme en Italie et le national-socialisme en Allemagne. Il ne s’agit pas d’une simple coïncidence chronologique. Selon l’analyse implacable de l’auteur, les principes fondateurs de l’islam politique et les étapes de son établissement dans la péninsule arabique prouvent que l’idéologie fascisante y est présente dès le premier jour. Le « fascislamisme » n’est pas une figure de style, mais une réalité historique. L’islamisme radical n’est pas la trahison ou la perversion récente d’une religion immaculée, mais la tare originelle de sa traduction dans le champ politique.
La foi musulmane individuelle est innocente, mais le pouvoir islamique est coupable.
Une contribution majeure – et provocante – au débat qui divise actuellement l’Occident." ( Babelio )