le dictionnaire du cinéma du critique Jacques Lourcelles.
Les monstres sacrés sont finement traités, à l'aune de leur carrière - Hitchcock (24 notules !), Walsh (22), Ford et Chaplin (18), Hawks (15). Il ne se contente pas des valeurs sûres : il sort aussi de l'ombre des auteurs méconnus. Parmi eux : Edgar G. Ulmer, Leo McCarey, Allan Dwan, Richard Fleischer.
Lisez par exemple Ambre (p. 45), La Féline (p. 541), Johnny Guitare (p. 795), Pickpocket (p. 1146), Stromboli (p. 1405), Une étoile est née (p. 1507)... Vous goûterez alors du nectar de critique.
Si certains chefs-d’œuvre sont finement analysés (cinq pages sont consacrées à La Passion de Jeanne d’Arc de Dreyer), Lourcelles a surtout le chic de nous faire découvrir des raretés, tels ce Gibier de potence (Roger Richebé, 1951) « à voir absolument », Le Repas (Mikio Naruse, 1951) dont il loue « la précision et la finesse de la mise en scène » ou encore L’Expédition du Fort King (Budd Boetticher, 1953) dont il parle comme un « western brillant et attachant ».
A lire absolument notament pour : Le cabinet du docteur Caligari, Vertigo , Les enchaînés, Citizen Kane , La soif du mal , Tous en scène , Chantons sous la pluie, La rivière rouge , Rio Bravo , l'aventure de Mme Muir , Eve, La comtesse aux pieds nus , Voyage à Tokyo ...
Que de développements précieux en effet, que d'analyses fournies et d'aperçus fulgurants, chaque fois que Lourcelles s'attaque aux films et aux cinéastes qu'il affectionne, et qui forment une belle cohorte : soit, d'après le nombre et la densité des textes qui leur sont consacrés, Hitchcock, Fritz Lang, Walsh, John Ford, Cha¬ plin (en comptant les courts métrages), Preminger, Renoir, Hawks, Guitry et Cecil B. DeMille. (Viennent ensuite, par ordre décroissant : Mizoguchi, Jacques Tour¬ neur, Cukor, Dwan, Duvivier, Richard Fleisher, McCarey et Robert Siodmak). Nous ne sommes pas loin du fameux « carré d'as » cher à l'équipe des mac-mahoniens (et pour cause, Lourcelles en ayant été l'un des piliers), étendu à quel¬ ques figures maîtresses et un ou deux jokers attendus. En fin de jeu, on découvre des cartes basses négligées des dictionnaires similaires, et que l'auteur sort de sa manche avec l'aisance d'un virtuose du bonneteau : par exemple Jack Arnold, André de Toth, Stuart Heisler, Joseph H. Lewis, Roger Richebé, Pierre Billon... Et que l'on ne vienne pas dire qu'il s'en tient aux valeurs sûres, ou récemment exhumées, du cinéma classique, français ou hollywoodien, son inlassable curiosité le pous¬ sant aussi bien du côté de l'Algérie, de la Chine, de Cuba, de l'Égypte, de l'Inde, et j'en passe. Mieux : il dame le pion aux critiques « progressistes » les plus avan¬ cés en rédigeant des notices superbes, et exemptes de toute langue de bois, sur Youssef Chahine, Gleb Panfilov et Mikhaïl Romm. Où trouver, d'autre part, des études auusi approfondies sur Afonia, L'Aube de la famille Osone, Balkan Express, La canzone deU'amore, Carrefour ou Child of Divorce (et je m'arrête à la lettre C) ? On se demande bien ou Lourcelles a pu voir et revoir tout cela, pour le décorti¬ quer avec un tel luxe de détails. I